Main Content
Biodiversité - L'"Arche de Noé végétale" s'étoffe en plein cœur de l'Arctique
27.02.2020 – Primevères du prince Charles, maïs sacré des Indiens Cherokee... Nichée dans l'Arctique, la plus grosse réserve mondiale de semences a accueilli récemment un important arrivage de graines, une forme d'assurance-vie pour la biodiversité face aux périls, notamment climatiques.
(ATS/AGIR) - Propriété de 36 institutions régionales et internationales, plus de 60'000 échantillons de semences vont rejoindre cette "Arche de Noé végétale" enfouie dans une montagne près de Longyearbyen, chef-lieu de l'archipel norvégien du Svalbard (Spitzberg), à 1300 kilomètres du Pôle Nord.
"A mesure que le rythme du changement climatique et que la perte de biodiversité augmentent, émerge une nouvelle urgence dans les efforts pour sauver les cultures vivrières menacées d'extinction", a déclaré Stefan Schmitz, directeur de la fondation Crop Trust, un des partenaires du projet.
Ultime filet de sécurité pour les quelque 1700 banques génétiques à travers le monde, la réserve du Svalbard ambitionne de préserver les plantes susceptibles de nourrir une population mondiale croissante sur fond de dérèglement climatique.
Cultures de base
Dans le lot de graines déposées dernièrement figurent des cultures de base comme des pommes de terre des Andes, du blé et du riz, mais aussi des variétés sauvages moins courantes comme le pommier des bois d'Europe.
Un million de variétés
Le nouvel arrivage portera à 1,05 million le nombre de variétés stockées à une température optimale de -18°C dans trois alcôves souterraines qui peuvent en accueillir 4,5 millions.
A l'extérieur, rien ne trahit la présence de ce grenier vital pour l'humanité, si ce n'est son entrée monumentale: émergeant des entrailles terrestres, deux hautes parois grises surmontées de miroirs et de parties métalliques forment un prisme qui se détache dans l'obscurité de l'hiver polaire.
Parvenir à deux ou trois millions d'échantillons "serait une bonne chose pour rendre l'avenir de l'alimentation de l'Homme encore plus sûr", a expliqué à l'AFP Stefan Schmitz.
Inaugurée en 2008 grâce à un financement norvégien, la structure se voulait au départ une solution de sauvegarde face aux catastrophes naturelles, aux guerres et aux impérities des hommes, ce qui lui a valu l'autre surnom de "chambre forte du Jugement dernier".
Si le message se veut désormais moins alarmiste, l'utilité de la réserve a été crûment mise en lumière par le conflit syrien: les chercheurs ont ainsi pu y récupérer les doubles de graines disparues dans la destruction de la banque de gènes de la ville d'Alep.
Fonte du pergélisol
Plus de 5000 espèces végétales sont aujourd'hui entreposées sur l'archipel arctique où, paradoxalement, presque rien ne pousse en raison des latitudes élevées. Autre paradoxe, la chambre forte censée être une parade contre le changement climatique a elle-même été victime du réchauffement.
En 2016, elle a subi une infiltration d'eau au niveau du tunnel d'entrée en raison de la fonte du pergélisol, ce sol censé être gelé en permanence mais pourtant victime cette année-là de la hausse du thermomètre.
La Norvège a depuis dépensé 20 millions d'euros en travaux pour accroître la résistance de la réserve, notamment avec un nouveau tunnel d'accès hermétique, dans un environnement toujours plus chaud et plus humide. Selon les scientifiques, l'Arctique se réchauffe deux fois plus vite que l'ensemble de la planète.
Auteur : ATS/AGIR