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Biodiversité - Un botaniste sauve la "mémoire verte" de la Colombie
07.01.2020 – Julio Betancur a voué sa vie à dresser l'inventaire d'espèces depuis disparues ou menacées de l'être.
(ATS/AGIR) - Le biologiste, professeur d'université, et collectionneur de bromelias aux fleurs en plumet rouge, jaune ou en forme de petit ananas, aime à se présenter comme un "bibliothécaire des plantes", note David Salazar (AFP). A lui seul, il a collecté près de 4% des 600'000 échantillons du principal herbier de Colombie et quatrième d'Amérique du Sud, selon l'Index Herbariorum du Jardin botanique de New York. Il l'a fait à pied, frayant son chemin à travers jungles et forêts, où au-delà des piqûres et morsures d'animaux, il s'est parfois retrouvé face aux groupes armés d'un conflit interne de plus d'un demi-siècle. Des paysans l'ont également aidé à se sortir d'un mauvais pas, dans un champ de mines anti-personnel. "S'ils n'avaient été là, nous ne serions pas ici à raconter cette histoire." Julio Betancur est conscient de prendre des risques, mais il tient à ce que son pays "connaisse" son patrimoine végétal, parfois disparu.
La déforestation due à l'expansion des terres agricoles, les exploitations minières clandestines et les plantations de coca, matière première de la cocaïne, mettent en danger les richesses naturelles du pays le plus riche en biodiversité au monde après le Brésil, selon l'ONU. Près de 5% des 169'000 hectares de narco-cultures sont dans des zones protégées. L'extraction illégale de l'or, par des techniques agressives pour l'environnement, affecte 98'000 hectares, une superficie plus grande que Berlin. Plus d'un million d'hectares ont été déboisés depuis 2010, selon des chiffres officiels.
Pour chaque échantillon prélevé dans le terrain, à l'Herbier national de Colombie, le biologiste note la couleur, la taille, l'odeur, les coordonnées géographiques du lieu de prélèvement et un numéro de référence qui donne une idée de sa colossale mission. Les initiales JB sont inscrites sur 22'999 spécimens. "Quand je dépose un échantillon botanique, c'est comme si j'écrivais une page du livre de nos forêts", dit-il ému. Ainsi lorsque toute verdure aura quitté un lieu, il sera possible de savoir "quelles espèces y poussaient à une époque déterminée et grâce à cela, reconstituer l'histoire naturelle de ce territoire", explique Julio Betancur, revenu de ses premières expéditions en Amazonie avec des plantes aujourd'hui disparues. L'Institut de recherche sur les ressources biologiques Alexander von Humboldt estime qu'au moins 2100 espèces de plantes sont en voie d'extinction à cause de la déforestation en Colombie, alors que 26% des 30'000 qui y sont répertoriées sont endémiques.
Encadré
Protection de la biodiversité: le WWF pointe la Suisse du doigt dans son rapport "Planète Vivante"
(ATS/AGIR) - "Les changements climatiques, l’agriculture industrielle et le braconnage menacent d’innombrables espèces", constate pour sa part le WWF dans son bilan 2019. La Suisse est particulièrement mal notée: aucun pays ne présente une part d'espèces en danger aussi importante. Plus d'un tiers des espèces de végétaux, d'animaux et de champignons sont considérées comme étant menacées en Suisse, relate l'organisation de défense de l'environnement dans son rapport "Planète Vivante" publié à la fin de l’année dernière.
Ce document identifie chaque année les gagnants et les perdants des douze derniers mois. Concernant la Suisse, le rapport relève par exemple que plus de la moitié des près de 600 espèces d'abeilles sauvages, qui assurent une grande partie du travail de pollinisation des plantes de culture et sauvages, sont menacées. Elles font les frais de l'agriculture industrielle et son cortège de pesticides, d'apports d'engrais excessifs, de monocultures et de destructions de sources de nourriture ou de lieux de nidification. Si les abeilles sauvages disparaissent, de nombreuses espèces végétales disparaîtront également, souligne le rapport.
Le réchauffement climatique est favorable au bostryche, constate par ailleurs le WWF. Les années sèches et chaudes favorisent en effet la reproduction de ce ravageur qui s’attaque, sur le Plateau suisse par exemple, aux épicéas affaiblis. Le coléoptère n'a désormais plus aucun mal à attaquer ces arbres, entraînant leur mort.
Auteur : ATS/AGIR