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Des milliers d'agriculteurs à Londres contre un projet de taxe
19.11.2024 – Des milliers d'agriculteurs britanniques se sont rassemblés mardi dans le centre de Londres pour protester contre une taxe controversée sur la succession de certaines fermes annoncée par le gouvernement travailliste.
Bravant la pluie et même quelques flocons de neige, les manifestants, pour certains arrivés en tracteurs, se sont réunis devant Downing Street pour exprimer leur colère contre ce projet du gouvernement, qu'ils accusent de "trahison".
Beaucoup brandissent des pancartes, sur lesquelles sont écrit: "Pas d'agriculteurs, pas de nourriture", ou "La guerre fiscale va détruire les fermes". Certains déposent sur la chaussée des cartons et des cagettes remplies de légumes et de fruits.
Avec l'annonce de cette taxe, le gouvernement "a détruit le contrat" qui l'unissait aux paysans depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a affirmé le président du National Farmers Union (NFU), principal syndicat britannique, Tom Bradshaw, interrogé sur la chaîne Sky news.
"Ce budget ridicule va nous mettre tous en faillite... c'est trop pour nous", affirme à l'AFP Olly Harrison, un des organisateurs de la manifestation.
Jusqu'à présent, les exploitations agricoles britanniques pouvaient bénéficier d'une exonération des droits de succession sur leurs biens et propriétés, une mesure censée faciliter la reprise des fermes.
Le gouvernement travailliste a toutefois annoncé le 30 octobre, lors de la présentation de son premier projet de budget, que cette exonération ne s'appliquerait plus aux exploitations dont la valeur dépasse un million de livres (1,20 million d'euros) à partir d'avril 2026. Elles seront désormais soumise à un taux d'imposition de 20%, soit la moitié du taux habituel des droits de succession.
Avec cette taxe, "dans une génération les petites exploitations auront disparu", s'indigne Graham Langer, éleveur de moutons de 63 ans venu du Herefordshire. "Je suis ici pour ma fille. Elle a 21 ans et elle veut reprendre l'exploitation, mais elle ne pourra pas", se désole-t-il. Ce gouvernement va "détruire la production alimentaire du pays", affirme aussi Claire, venue soutenir sa soeur, Anna, qui a exploite avec son père la ferme familiale. Cette taxe "est une gifle pour les agriculturs et les campagnes, qui signifie que nous n'avons aucune importance pour le gouvernement", regrette Anna.
Bataille de chiffres
Le Premier ministre Keir Starmer a assuré lundi qu'il comprenait les "inquiétudes" des agriculteurs, mais a réaffirmé que "la grande majorité des exploitations agricoles" ne seraient pas affectées. Selon l'exécutif, le seuil réel à partir duquel ces droits de succession seraient payés pourrait s'élever à 3 millions de livres (3,6 millions d'euros), en raison des abattements prévus dans le cas où un couple souhaite transmettre son exploitation à un enfant.
Keir Starmer a également souligné que 5 milliards de livres (6 milliards d'euros) dans le budget étaient consacrées à l'agriculture sur les deux prochaines années.
"C'est n'importe quoi", s'emporte Graham Langer, qui pointe l'envolée de la valeur de ses terres ces dernières années du fait de la promotion immobilière.
Selon des données du Trésor, les trois quarts des agriculteurs échapperont à cette taxe. Mais les paysans s'appuient eux sur des chiffres du ministère des Affaires rurales, selon lesquels 66% des entreprises agricoles ont une valeur supérieure à un million de livres. Et selon les données de la NFU, qui représente plus de 45'000 membres en Angleterre et au Pays de Galles, "75% des fermes commerciales (...) seront dans l'oeil du cyclone", a affirmé Tom Bradshaw.
Depuis le Brexit, les fermiers britanniques ont souffert de pénuries de main-d'oeuvre et d'un déficit de financement, ne bénéficiant plus des fonds de la politique agricole commune européenne (PAC).
"Je ne crois pas que les gens réalisent à quel point les agriculteurs luttent depuis plusieurs années (...) pour s'occuper de leurs terres, pour gagner de l'argent", donc cette manifestation "va au-delà de (la taxe). Il s'agit de sécuriser la production de nourriture", insiste Claire.
De l'autre côté de la Manche, les agriculteurs français poursuivent mardi un vaste mouvement de protestation débuté la veille. Ils s'opposent notamment à la signature par l'Union européenne d'un accord de libre-échange avec les pays latino-américains du Mercosur.
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)