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Des murs de pierre sèche restaurés à l'alpage de la Cruchaude (VD)
17.08.2020 – Non loin du Chasseron, des muretiers professionnels, mandatés par Pro Natura Vaud, œuvrent pour restaurer des murs de pierre sèche typiques de la région. Objectif: préserver le patrimoine bâti, le paysage et la biodiversité.
A Grandevent, sur l'alpage de la Cruchaude, des coups de marteau résonnent, non loin du pâturage où broutent paisiblement des génisses. Dans cette réserve de 70 hectares léguée en 2014 à Pro Natura, trois équipes de civilistes se relaient depuis le 15 juin pour ériger une clôture de calcaire, sous l'œil attentif de deux muretiers professionnels de l'entreprise tradibati.
Plus d'une cinquantaine de mètres de mur sont déjà achevés et seul un ongle tombé est à déplorer, sourit le muretier Paul Lartigue à Keystone-ATS, tandis que le soleil de midi cogne sur le blanc des cailloux. Si les civilistes effectuent essentiellement des travaux lourds comme le transport des pierres, le professionnel leur transmet un savoir-faire ancestral: la construction d'un mur sans ciment.
"On leur montre le métier, on partage nos connaissances. Toute l'équipe touche à tout: pierre de fondation, bâtisse (pierre transversale), couvertes, glisse-t-il.
Jeux d'imbrication
Pour réaliser le savant empilement, il s'agit tout d'abord de poser les fondations: pour une base solide, il faut de grosses pierres d'au moins 50 centimètres de large qui épousent la terre. Elles sont très difficiles à trouver, explique le muretier.
Les cailloux sont ensuite posés par des jeux d'imbrication selon une forme pyramidale, le mur étant plus étroit en haut. Des pierres plus petites et des gravillons remplissent les interstices, tandis que des "balises" traversent les murs.
Les pierres du dessus, appelées "les couvertes" doivent être plates sur deux faces, c'est également un challenge de les trouver. Le but est que le mur tienne au moins 100 ans.
Dans la forêt
Pour trouver ce matériel, les civilistes vaudois, genevois, fribourgeois et même appenzellois ont démonté l'ancien mur. Ils collectent aussi des cailloux dans la forêt voisine.
"Ce n'est pas une mince affaire, car il faut parfois trouver sous la terre et les déterrer. Certaines d'entre elles peuvent peser jusqu'à 150 kilos, même si la plupart sont moins lourdes", souligne Antoine Burri, gérant de réserves naturelles chez Pro Natura.
Le locataire et exploitant de l'alpage - qui prête sa ferme aux travailleurs et leur donne volontiers un coup de main - ramène les cailloux au moyen de son tracteur. Seul un petit complément provient d'une carrière, notamment des pierres avec des formes spécifiques.
Retour à la nature
Chaussés de lunettes, pour se protéger les yeux, les jeunes gens apprennent aussi le maniement du burin pour tailler les pierres. "Ils sont d'une motivation et d'une patience incroyables, se réjouit Antoine Burri. Preuve en est le résultat: un mètre d'avance par jour".
De leur côté, les civilistes apprécient le retour à la nature et la vie en communauté dans la bâtisse d'Olivier Roulet. "Nous sommes une génération préoccupée par l'environnement", explique l'un d'eux.
Projet sur deux ans
Quelque 120 mètres du mur de pierres sèches seront rénovés d'ici début septembre. Le chantier reprendra au printemps prochain et, en automne 2021, quelque 250 mètres auront été reconstruits, se réjouit Ludovic Longchamp, responsable de la réserve de la Cruchaude et bénévole chez Pro Natura.
L'intérêt de cette restauration est de préserver le patrimoine bâti typique de la région. "Sur quatre kilomètres, ces murs ceinturaient l'alpage de la Cruchaude afin de contenir le bétail. Faute d'entretien, avec le gel, le dégel, ils se sont écroulés et coûtent horriblement cher à refaire".
Deux tronçons de murs ont été priorisés en fonction de leur utilité agricole et de leur visibilité, juste à côté du chemin des crêtes du Jura. Le but n'est pas de tous les restaurer. Les structures écroulées peuvent s'avérer intéressantes pour toute une petite faune: les hermines y font leur petite. Belettes, invertébrés, insectes profitent également de ces murs.
Des enfants à l'alpage
Le projet compte aussi un volet éducatif: durant l'été, une quarantaine d'enfants auront pu participer au chantier et visiter l'alpage afin d'en apprendre plus sur l'agriculture de montagne.
Le coût total de l'opération se monte à 260'000 francs, soit environ 1000 francs le mètre, "une somme importante", notent les responsables de Pro Natura. Elle est soutenue par la Loterie romande, le Fonds suisse pour le paysage, la Fondation Ernst Göhner, la Fondation Sandoz, le canton de Vaud et le Service civil.
Auteur : ATS