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Exportations de pesticides interdits : lacunes dans la législation
30.11.2022 – La Suisse continue d’'exporter des pesticides interdits, malgré un renforcement de la législation depuis 2021, pointe Public Eye. Des dizaines de substances dangereuses bannies sur le territoire helvétique échappent aux dispositions de contrôle des exportations de produits nuisant à la santé et l’'environnement dans les pays en développement.
En octobre 2020, le Conseil fédéral décidait de prohiber l'exportation de pesticides interdits depuis la Suisse, rappelle mercredi Public Eye. Mais cette interdiction, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, ne s'applique qu'à cinq substances: le paraquat, l'atrazine, le diafenthiuron, le profénofos et le méthidathion.
L'Office fédéral de l'environnement (OFEV) précisait à l'époque que l'exportation d’une centaine d'autres produits phytosanitaires dangereux pour la santé humaine et l’environnement et interdits en Suisse était soumise à un régime d’autorisation et à l’approbation préalable du pays importateur.
Selon des documents obtenus par Public Eye auprès de l'OFEV, la Suisse a autorisé à deux reprises, en 2021 et 2022, le géant bâlois Syngenta à exporter plus de 10 tonnes de produits à base de triasulfuron, une substance interdite en raison d'un risque de pollution des nappes phréatiques, de sa toxicité pour les organismes aquatiques et de son potentiel génotoxique présumé.
Ces exportations étaient destinées à l'Algérie et la Tunisie. Soit des pays dans lesquels les agriculteurs ne disposent généralement pas de la formation et des équipements de protection nécessaires, relève l'ONG.
Pas dans les données officielles
L'enquête de Public Eye montre par ailleurs que les données de l'OFEV ne reflètent pas l'ampleur réelle du problème. Selon l'ONG, des documents confidentiels obtenus auprès des autorités allemandes révèlent qu'en 2022, Syngenta a notifié l'exportation, depuis l'Allemagne vers le territoire helvétique, de près de 100 tonnes de pesticides contenant des substances interdites en Suisse et dans l'Union européenne (UE).
Ceux-ci devaient ensuite être réexportés vers des pays tiers. Pourtant ces exportations n'apparaissent pas dans les données officielles, constate Public Eye. Les substances concernées sont le thiaméthoxame, un néonicotinoïde "tueur d'abeilles"; le diquat, un herbicide mortel en cas d'inhalation; le chlorothalonil, une substance cancérogène interdite car elle pollue les eaux souterraines, et le propiconazole, un fongicide classé "toxique pour la reproduction" par l'UE.
Pas d'obligation d'annonce
Ces pesticides ont tous été récemment interdits en Suisse, mais ils ne figurent pas dans la liste des substances soumises à la législation helvétique sur les exportations de produits chimiques dangereux. Ils ne sont donc sujets à aucune obligation d'annonce auprès de l'OFEV en cas d'exportation.
Ils échappent aussi au durcissement des dispositions édictées par le Conseil fédéral sur l'exportation des pesticides interdits et peuvent donc être expédiés sans autorisation de l'OFEV et sans l'aval du pays destinataire.
Interdiction totale nécessaire
Et il ne s'agit pas de cas isolés, souligne Public Eye. En effet, quelque 90 pesticides interdits, tous soumis à des restrictions à l'exportation au niveau européen, peuvent être exportés librement depuis la Suisse tout en restant invisibles aux yeux des autorités et du public.
Pour mettre un terme à ces exportations toxiques, il est pour l'ONG essentiel qu'une interdiction totale assortie d'une mise en œuvre stricte soit prononcée en Suisse, tout comme au niveau de l'UE.
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)