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Faire du vin dans les pays nordiques, un défi…
08.10.2019 – Dans la province de Scanie en Suède méridionale, loin des vignobles millénaires d'Europe continentale, Murre Sofrakis possède un vignoble de quelque deux hectares. Il est l'un des plus grands producteurs de vin du pays.
(ATS/AGIR) - Quand Murre Sofrakis se lance, en 2001, il presse 100 litres issus de 17 différents cépages. "Ça prend un peu de temps au début de trouver le bon cépage. Il faut apprendre à cultiver et ici on n'a pas les traditions", dit-il. Il règne aujourd'hui sur la propriété de Klagshamn dont il est propriétaire (aidé de sa compagne et de deux employés) et sur celle de Flädie en tant que vigneron. Le quinquagénaire produit 20'000 bouteilles par an, près d'un tiers de la production nationale mais une goutte de nectar à l'échelle mondiale: en Suède, seulement 100 hectares sont consacrés à la culture de la vigne, contre 750'000 en France.
Et l'économie du vin local n'a rien à voir avec celle du Bordelais, de la Napa Valley ou du piémont andin. Selon la Fédération suédoise des exploitants agricoles LRF, le chiffre d'affaires moyen d'une exploitation en 2016 était de 600'000 couronnes (60'700 francs). A Flädie, Murre peut compter sur une centaine d'"amis du vin", des bénévoles qui viennent lui prêter main-forte pendant leur temps libre. Principalement des amateurs éclairés, les vignerons nordiques commencent à recruter des spécialistes, souvent à l'étranger.
Les vignes nordiques donnent majoritairement un vin blanc produit à partir de la Solaris, un cépage hybride allemand dur au froid et adapté au climat scandinave où la période de maturation des raisins est courte."C'est très facile à cultiver en terme de résistance aux maladies et c'est relativement vigoureux", énumère pour l'AFP Torben Andersen, professeur à l'Université de Copenhague et expert en viticulture des pays froids. Malgré les rudes conditions de l'activité, la viticulture se développe dans la région.
Pour Sveneric Svensson, président de l'Association viticole suédoise, cette tendance ne s'explique "pas par le changement climatique, mais par le développement de nouveaux cépages qui ont besoin de moins de chaleur". Le thermomètre qui grimpe présente pourtant des avantages, permettant d'augmenter les rendements. Une hausse d'"un degré en un siècle, ça aide (...), on voit des changements qui facilitent (le travail du vigneron) et le rendent plus sympa", ajoute M. Andersen. Particulièrement chaud, l'été 2018 a donné un cru exceptionnellement important.
En Suède, une trentaine de vignerons commercialisent leur production. Chez le voisin danois, ils sont une petite centaine. Si les vignerons se piquent, ici, de faire un vin bio, rares sont ceux qui disposent d'un label certifié car les procédures sont jugées trop onéreuses et chronophages. "Tout est fait à la main, on n'utilise pas de produits chimiques, seulement des préparations bio. Et puis, en Suède (comme au Danemark), il est interdit d'utiliser du cuivre", utilisé dans la lutte contre le mildiou, la maladie des plantes, mais de plus en plus contesté à cause de sa nocivité pour les sols, souligne Murre.
Un seul vignoble nordique, à Dons au Danemark, satisfait aux critères du label européen d'"appellation d'origine protégée" (AOP). Le marché du vin est principalement local et si au Danemark la vente à la propriété est autorisée, elle est interdite en Suède et en Finlande, où l'alcool est distribué par les magasins du monopole d'Etat.
Mais à propos, que vaut ce vin du Grand nord conçu sur des terres de bière et d'eau-de-vie ? "95% des personnes qui goûtent à l'aveugle (un vin suédois) trouvent qu'il a un bon bouquet et qu'il est très bon en bouche", affirme le sommelier Mattias Säfvenberg. Pour Andrew Reynolds, professeur de viticulture à l'Université Brock (Canada), "la qualité (des vins nordiques) est plus qu'acceptable et va s'améliorer avec le temps et l'introduction d'autres variétés". Pour autant, ils devraient tarder à conquérir le monde, contrairement aux sommeliers, omniprésents dans les compétitions internationales, à l'instar du Suédois Jon Arvid Rosengren, sacré en 2016 meilleur sommelier du monde.
Auteur : ATS/AGIR