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La pandémie a largement influencé les habitudes de consommation de vin
10.06.2020 – L’industrie viticole suisse est confrontée à de nombreuses incertitudes liées au Covid-19. L’Ecole hôtelière de Lausanne et Changins et l'European Association of Wine Economists ont donc mené une étude pour comprendre comment les consommateurs de vin ont réagi face à cette situation.
La pandémie a engendré des effets dramatiques sur l'industrie du vin. L’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin anticipe une chute des ventes de 35% en volume et de 50% en valeur sur 2020 en Europe. En Suisse, le chiffre d’affaires de la branche a déjà reculé de 35% durant le semi-confinement.
Au total, 927 sondés de toute la Suisse ont participé à cette étude. Ils avaient le choix de répondre en français (56% des suffrages), allemand (21%), italien (12%) et anglais (11%). Les hommes ont représenté un peu plus de la moitié des répondants (58%) et les tranches d’âge entre 18 et 30 ans, 31 et 40 ans, 41 et 50 ans, et 51 et 60 ans ont réuni chacune entre 20% et 25% des réponses.
En matière de consommation, 95% ont déclaré avoir bu du vin au moins une fois par mois avant le confinement. La majorité allait également au restaurant au moins une fois par mois (92%). Beaucoup de répondants se déplaçaient au moins occasionnellement à des dégustations dans des domaines viticoles (84%), lors de foires (77%), ou des «caves ouvertes» (76%). Le répondant-type de cette étude peut donc être qualifié d’amateur de vins.
Il en ressort que les Suisses, surtout les Latins, ont consommé plus de vin durant le confinement Cette tendance s'est exprimée au détriment de la consommation de bière et de spiritueux. On peut également constater que les personnes plus directement touchées par l’épidémie sont celles qui ont le plus modifié leur profil de consommation. L'écrasante majorité des répondants germanophones n’ont pas modifié leur consommation d’alcool.
Certaines différences culturelles entre les régions linguistiques ont également influencé les résultats de l'étude. Avant la crise, la majorité des répondants consommaient fréquemment du vin en famille (87%), entre amis (92%), et avec des collègues (51%). En Suisse italienne et parmi les expatriés, il était également courant de consommer seul (27% parmi les italophones et 34% pour les anglophones). En revanche, personne ou presque ne consommait «en ligne».
La crise a entraîné des changements majeurs. La consommation entre amis et collègues s’est effondrée, mais n’a pas complètement disparue. Près d’un tiers de la population s’est adonné régulièrement aux dégustations de vin à distance. De manière générale, 67% disent avoir «organisé ou participé à des rassemblements numériques pour prendre un verre en famille ou entre amis» depuis le début du confinement. Une augmentation de la consommation «solitaire» s'est aussi dégagée, ce qui pourrait faire craindre une augmentation des cas de consommation à risque. Heureusement cette hausse est restée modérée (passage de 20% à 26% en moyenne sur l’échantillon).
En matière de dépenses, 57% des Suisses achètent des vins dont le prix se situe entre 11 et 20 francs et 24% sont prêts à mettre plus que ce montant pour une bouteille. Ces chiffres cachent des réalités différenciées en fonction des régions linguistiques avec notamment les Germanophones qui, dans leur majorité (58%), rechignent à mettre plus de 10 francs pour une bouteille.
Les consommateurs exploitent trois canaux en priorité: supermarché (85%), magasins spécialisés (85%), et achats directs au domaine (80%). Ici transparaît l'importance des producteurs de vin suisses, malgré une différence importante entre les régions: alors que les Latins sont plus de 80% à acheter directement auprès des producteurs, moins de 60% des Alémaniques le font.
Depuis la crise, près des trois-quarts des répondants n’ont toutefois pas acheté de vin. Seuls 30% affirment avoir acheté du vin en ligne, dont 6% pour la première fois et 8% en plus grande quantité que d’habitude. Globalement, les répondants ont donc dépensé un peu moins que d’habitude en vins (22% ont dépensé plus et 32% ont dépensé moins).
Dans l’ensemble, la hausse de la consommation s’est faite au détriment du stock des consommateurs. Cette observation est cohérente avec le fait que la majorité des consommateurs possède une cave (81%) et que seulement 16% disent ouvrir une bouteille moins d’une semaine après l’avoir achetée.
La majorité des consommateurs espèrent reprendre ses habitudes antérieures après la normalisation totale de la situation: 91% prévoient de consommer autant de vins qu’auparavant et un peu plus de 5% anticipent même une augmentation.
Cette bonne nouvelle en conclusion: 54% estiment qu’ils devraient acheter plus de vin local pour soutenir les producteurs locaux. Ici aussi, relevons une sensibilité différente selon les régions: les Francophones et les Italophones sont respectivement 65% et 70% à être d’accord avec cette affirmation, alors que les Germanophones sont majoritairement en désaccord.
Etude menée par :
Philippe Masset (EHL), Alexandre Mondoux (Changins) & Jean-Philippe Weisskopf (EHL).
Auteur : AGIR