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L'espoir au bout du "corridor" fait baisser les prix des céréales
19.10.2022 – L'espoir de voir reconduit l'accord sur les exportations ukrainiennes a fait baisser les prix mondiaux des céréales ces derniers jours, en dépit des embouteillages de vraquiers sur le Bosphore et de la poursuite des bombardements en Ukraine.
Les cours des céréales remontaient légèrement mercredi, alors que se poursuivaient les frappes russes visant notamment des infrastructures énergétiques ukrainiennes, mais sans compenser les pertes des séances précédentes.
En une semaine, les prix du blé ont fléchi d'environ 6% et la tonne s'échangeait à 338 euros mercredi vers 14H00 GMT sur le marché européen Euronext. En préouverture à la Bourse de Chicago, le boisseau de blé gagnait 1,03% à 8,5825 dollars.
Le maïs a quant à lui reculé de près de 5% depuis une semaine sur le marché européen. Il était aussi en repli mercredi à Chicago, cédant 0,55% à 6,7725 dollars le boisseau.
Une détente largement due aux discussions en cours sur la prolongation de l'accord signé le 22 juillet entre Moscou et Kiev, sous médiation turque et onusienne, pour faciliter les exportations agricoles ukrainiennes via un corridor maritime sécurisé.
Ce corridor, initialement destiné à sortir plus de 20 millions de tonnes de grains, a permis à Kiev d'exporter par bateaux plus de 7,8 millions de tonnes depuis le 1er août, selon le dernier bilan, mardi soir, du Centre de coordination conjointe à Istanbul, qui autorise et contrôle les trajets.
De hauts responsables onusiens se sont rendus à Moscou dimanche et lundi pour plaider pour la poursuite et l'élargissement de l'accord, qui arrive à échéance le 19 novembre, notamment pour faciliter les exportations russes d'engrais.
L'ONU, qui a salué dans un communiqué des discussions "constructives", s'est inquiétée de la mise à disposition de fertilisants pour les agriculteurs, alors que débute la saison des semailles pour les céréales d'hiver. "Une crise d'accessibilité peut devenir une crise de disponibilité", qui à terme pèsera sur la production agricole et les prix en 2023.
Prolongation automatique ?
Selon les termes de l'accord, cette initiative peut être "prolongée automatiquement pour la même période (de 120 jours), à moins que l'une des parties ne notifie à l'autre son intention de mettre fin à l'initiative ou de la modifier".
Or, "la Russie n'a pas beaucoup profité de cet accord, que ce soit sur le plan politique ou du commerce", estime Rafael Duran de l'ONG International Crisis Group, soulignant que la manne économique principale pour la Russie continue de provenir de la vente d'hydrocarbures.
Ces dernières semaines, les exportations russes de blé ont nettement progressé, au détriment de céréales européennes plus chères: "Pour la première fois cette saison, les expéditions mensuelles vont dépasser celles de 2021-22", a tweeté Andrey Sisov, du cabinet d'analyse SovEcon, évoquant des exportations en hausse de 33% en octobre par rapport à octobre 2021.
Pour Gautier Le Molgat, du cabinet Agritel, ajouter un "volet russe" à l'accord ne facilitera pas automatiquement les exportations d'engrais, du fait de la réticence des opérateurs.
"On nous dit: +Quand on bosse avec les Russes, on ne sait jamais à quoi s'en tenir: ils avaient parlé de lever les taxes à l'exportation, puis rien ne s'est passé, le financement est compliqué et il y a parfois des questions sur la provenance des cargaisons+", relate-t-il.
Même si l'accord est renouvelé, Arlan Suderman, de la plateforme de courtage StoneX, souligne ses "limites": les passages de navires sur la mer Noire restent "restreints", notamment du fait du goulet d'étranglement à l'entrée et à la sortie du détroit du Bosphore où les vraquiers patientent plus d'une semaine avant d'être inspectés.
Cette lenteur affecte en premier lieu les agriculteurs ukrainiens: "Ils ont fait un travail exceptionnel sur les récoltes en 2022, mais ils n'ont pas tout vendu et ils ont des problèmes de trésorerie pour se fournir en semences et en engrais", relève Gautier Le Molgat.
Le ministère de l'Agriculture ukrainien évalue à 2,5 millions d'hectares les semis de blé au 18 octobre, contre 5 millions d'hectares à date l'an dernier.
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)