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Politique agricole pas à la hauteur du défi climatique
31.10.2023 – Inefficaces, mal ciblées et potentiellement mauvaises pour l'environnement: la majorité des politiques mises en place à travers le monde pour soutenir l'agriculture ne permettent pas au secteur de bien se préparer au changement climatique, relève l'OCDE lundi.
"La plupart des mesures de soutien aux exploitants agricoles", comme des versements directs ou des prix garantis, n'ont pas été conçues pour répondre aux objectifs d'adaptation au changement climatique", explique l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Au total, le secteur agricole a bénéficié de 851 milliards de dollars de soutien par an entre 2020 et 2022.
"Si certaines peuvent favoriser l'adaptation, la majorité ne facilitent pas vraiment - voire entravent - les efforts déployés dans ce sens par les producteurs", explique le document.
"Aider les agriculteurs à continuer ce qu'ils font pourrait s'avérer fatal à moyen ou long terme car ils se retrouvent coincés dans des méthodes de production et des produits qui pourraient ne pas survivre face au changement climatique", a expliqué Marion Jansen, directrice des échanges et de l'agriculture à l'OCDE.
Le rapport intervient à un mois de la conférence internationale pour le climat COP28, à Dubaï, censée établir officiellement que les objectifs de l'accord de Paris ne sont pour l'instant pas tenus. Et à un moment où le dérèglement climatique a déjà un impact sur l'agriculture mondiale.
"Agilité"
"Les phénomènes météorologiques extrêmes" qui frappent l'agriculture "se multiplient et s'aggravent", relève l'OCDE. "Des situations autrefois considérées comme exceptionnelles se banalisent."
Inondations, sécheresses, tempêtes, insectes ravageurs, crises sanitaires, guerres: les événements catastrophiques ont causé en 30 ans 3800 milliards de dollars (3592 milliards d'euros) de pertes en récoltes et productions animales, a récemment estimé l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
Cela correspond à environ 123 milliards de dollars par an, ou 5% des richesses produites par les agriculteurs entre 1991 et 2021, détaille le document.
"Le changement climatique crée des conditions défavorables pour les cultures dans la plupart du monde", a souligné Mathias Cormann, secrétaire général de l'OCDE, lors d'une conférence de presse.
Le gros des aides actuelles peut toutefois "empêcher des changements structurels nécessaires" en encourageant par exemple les agriculteurs à se concentrer sur quelques produits, ce qui "les empêche d'en planter d'autres en réponse à l'évolution" du climat, note-t-il.
Plutôt que de "renforcer les structures de production existantes" comme le fait actuellement "l'essentiel" du soutien, "il faut des politiques agricoles qui favorisent l'agilité et incitent à s'adapter dans un environnement en mutation", détaillent les experts.
Ce qui signifie "diminuer les mesures qui empêchent des ajustements de production", explique Mme Jansen.
D'autant plus que certaines mesures actuelles sont "en fait relativement inefficaces" pour soutenir les revenus des agriculteurs et se sont, par exemple, traduites par une hausse des coûts des matières premières, a détaillé M. Cormann.
Intérêt général
Les politiques publiques devraient plutôt se concentrer sur des investissements dans les services d'intérêt général, qui bénéficient à tout le secteur, comme la recherche et le développement et les infrastructures, préconise l'OCDE.
Ces investissements ne sont "pas seulement bénéfiques pour l'environnement et la sécurité alimentaire", mais aussi aux agriculteurs et leurs revenus, a souligné M. Jansen.
Elle a cité l'infrastructure rurale, des formations ou encore l'accès au dernières publications scientifiques. Le rapport note également des essais dans certains pays de variétés de riz tolérant une salinité accrue, ou encore des programmes de recherche.
Pourtant, ces programmes "continuent de représenter une part modeste et décroissante des transferts à destination du secteur agricole", avec 106 milliards de dollars, ou 12,5% du total - comparé à 16% il y a 20 ans.
Si l'organisation recense "près de 600" mesures mises en place dans différents pays et visant à préparer l'agriculture au changement climatique, "des mesures supplémentaires s'imposent".
Et surtout, "les pouvoirs publics devraient dépasser le stade de la planification et s'atteler de toute urgence à la mise en oeuvre, au suivi et à l'évaluation" de ces mesures.
"Beaucoup de ces stratégies n'ont pas progressé au-delà de l'étape de la planification", a souligné M. Cormann.
Auteur : AFP/ATS