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Profusion de blé et concurrence accrue font chuter les prix
12.01.2023 – Les prix du blé chutent dans un marché mondial rassuré par les belles récoltes russe et australienne et où la concurrence joue à plein, ignorant désormais les fracas de la guerre en Ukraine.
Le contrat à terme de référence pour le blé tendre d'hiver (Soft Red Winter Wheat), coté à Chicago, est tombé mardi à son plus bas niveau depuis septembre 2021, soit depuis plus de 27 mois.
Sur le marché européen, la céréale est passée en séance sous les 290 euros la tonne mercredi sur Euronext, effaçant près de dix mois de fluctuations liées à l'invasion russe de l'Ukraine.
"Les cours chutent aux Etats-Unis et en Europe à cause de la Russie, de l'Inde et de l'Australie", a résumé Michael Zuzolo, président de la société Global Commodity Analytics and Consulting.
Premier exportateur mondial, la Russie écoule son excellente récolte à un bon rythme - elle vient de remporter un nouvel appel d'offres égyptien. Les quotas d'exportation, généreux, fixés par le gouvernement russe, ne sont pas un frein à la vente, à la différence des infrastructures et de la météo, souligne Andrey Sizov, du cabinet russe SovEcon.
M. Sizov s'attend donc à des exportations russes "historiquement élevées", en dépit de la remontée du coût du transport en mer du fait des primes d'assurance qui grimpent à nouveau pour la mer Noire.
Après la Russie, l'Australie s'attend à une récolte record (environ 40 millions de tonnes) et l'Inde est assez optimiste pour sa future récolte, bénéficiant de conditions climatiques favorables sur des surfaces cultivées en augmentation.
Certains analystes s'attendent à une révision, en mars, de l'embargo sur les exportations de blé décidé en mai dernier par New Delhi après une canicule dévastatrice. L'Inde avait depuis honoré les contrats déjà signés et des accords inter-gouvernementaux, avec des niveaux de ventes toutefois très réduits.
"Trop de blé"
Le marché américain intègre l'idée qu'Inde et Australie "pourraient pratiquer un tarif suffisamment bas pour capter une bonne partie du marché à l'export", selon Michael Zuzolo.
"Il y a trop de blé dans le monde en ce moment. Et nous ne parvenons pas à exporter hors des Etats-Unis. Tant que cela ne changera pas, le blé va rester sous pression", tranche Jon Scheve, de la société de conseils Superior Feed Ingredients.
La baisse des cours des céréales est générale, mais pour le blé, elle est accentuée en Europe du fait de la parité euro-dollar. "L'euro monte et cela conduit à des réajustements pour rester compétitif, en particulier sur le marché européen face à la forte concurrence du blé russe", relève Gautier Le Molgat, du cabinet Agritel.
"Il y a une sorte de consensus pour que les prix baissent", acquiesce Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage, évoquant à son tour les bonnes récoltes en cours ou à venir, et l'inflation qui freine la demande, surtout en Europe.
Dans ce contexte, l'angoisse géopolitique liée à l'Ukraine et à une potentielle crise d'approvisionnement a disparu, souligne-t-il: "On voit que le corridor maritime (sur les exportations ukrainiennes) fonctionne" et a permis de sortir près de 17 millions de tonnes de grains d'Ukraine depuis le 1er août, selon le dernier bilan du Joint Coordination Center chargé de l'inspection des navires.
Le maïs aussi
Dans le sillage du blé, le maïs s'affiche en repli sur Euronext, reste hésitant aux Etats-Unis, à l'image d'une demande encore frileuse, en attendant le rebond de la consommation chinoise, une fois passée l'énorme vague de Covid en cours.
Le soja quant à lui résiste, avec des cours élevés à Chicago du fait de l'incertitude climatique au Brésil, où le sud a besoin de pluie pour la croissance des plants et où le nord ne doit pas être noyé pour maintenir une bonne qualité.
"S'il arrive quelque chose à cette récolte, le monde va paniquer. Mais si les conditions sont bonnes dans tout le Brésil, le soja est sans doute surévalué" aujourd'hui, estime Jon Scheve.
Pour Jake Henley, de Teucrium Trading, les prix du blé, du maïs et du soja pourraient même "se rapprocher des coûts de production dans les mois à venir" tout en restant élevés, du fait de la flambée de l'énergie.
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)