Main Content
Remous dans les eaux de Nestlé en France
17.12.2024 – L'avenir des eaux en bouteille de Nestlé en France est en question, alors que le groupe évalue les options pour ce portefeuille qui comprend aussi les marques italiennes San Pellegrino et Acqua Panna. Il doit devenir une unité propre au 1er janvier.
"C'est très flou sur la suite de l'activité", s'est inquiété auprès de l'agence AWP Christophe Kauffmann, secrétaire fédéral CFDT Agri-Agro. "Nous n'avons pas d'information sur la manière dont va se matérialiser cette volonté d'isoler l'activité et la recherche de partenaires" pour cette catégorie de produits qui a réalisé 3,3 milliards de francs de chiffre d'affaires l'an passé.
Davantage d'éclaircissements viendront peut-être ce mardi d'une "communication interne" afin de "présenter la manière dont la nouvelle division 'Nestlé Waters and Premium Beverages' sera organisée à compter du 1er janvier 2025, date à laquelle elle devient autonome au sein du groupe Nestlé", a indiqué une porte-parole du groupe. La firme au nid d'oiseau avait annoncé en novembre dernier évaluer "la stratégie de cette activité", évoquant "les possibilités de partenariat".
De son côté, le responsable syndical "s'attend plus à une coentreprise", semblable à Froneri pour les glaces et les surgelés ou à Herta pour la charcuterie. "Depuis deux ans, le groupe a choisi d'aller vers le haut de gamme. On peut craindre pour les Vosges", où Nestlé prélève ses eaux Vittel, Contrex et Hépar, "mais pas pour Perrier ou San Pellegrino, où les outils industriels sont énormes".
La presse française s'est fait l'écho d'un intérêt du concurrent Danone pour ces deux dernières marques. Nestlé a indiqué auprès d'AWP ne pas commenter "les rumeurs".
M. Kauffmann redoute que le géant veveysan "resserre ses activités sur ce qui marche, c'est-à-dire l'alimentation animale et le café", soit les marques Purina et Friskies ainsi que Nescafé et Nespresso.
Accord avec la justice
L'activité d'eaux en bouteille en France s'est retrouvée à plusieurs reprises sous le feu des projecteurs cette année. En janvier dernier, Nestlé reconnaissait, dans la foulée de révélations du journal Le Monde et de Radio France, avoir recouru à des traitements interdits sur certaines de ses eaux minérales en France, mais aussi en Suisse pour Henniez.
Puis en septembre, Nestlé Waters Supply Est - qui chapeaute les sites d'embouteillage vosgiens - a signé une convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale (CJIPE) avec le procureur d'Epinal. Le minéralier a été mis à l'amende à hauteur de 2 millions d'euros, mais la convention "n'a ni la nature ni les effets d'un jugement de condamnation" et "éteint l'action publique", ce qu'a dénoncé l'ONG de défense des consommateurs Foodwatch.
Pour celle-ci, "Nestlé Waters ne peut tromper les consommateurs pendant des décennies dans le monde entier en filtrant illégalement ses eaux en bouteille et s'en tirer à bon compte en sortant simplement le chéquier". L'ONG a déposé fin septembre deux nouvelles plaintes au tribunal de Paris contre Nestlé, mais aussi le groupe Sources Alma qui produit Cristaline. Elle attend "maintenant la désignation d'un ou une juge d'instruction", a fait savoir Ingrid Kragl, sa directrice de l'information.
Si Nestlé a promis d'investir 1,1 million d'euros pour la renaturation de deux cours d'eau et la restauration de zones humides dans les Vosges, le député européen socialiste Christophe Clergeau appelle le poids lourd de la Bourse suisse, dont le bénéfice net a augmenté l'an dernier de plus de 20% à 11,2 milliards de francs, à en faire plus.
L'élu, qui soutient Foodwatch, met en garde contre "une situation de dégradation des eaux partout en Europe, absolument massive, car les pesticides, les PFAS, sont présents de manière généralisée" et qui touche "potentiellement d'autres producteurs d'eau minérale" que le géant romand.
Il reconnaît "l'enjeu de préserver les emplois de ces activité de mise en bouteille d'eau minérale". Mais le groupe veveysan "crée de la richesse considérable à travers le niveau de prix de ces eaux et une partie de cette richesse devrait être mobilisée pour être un acteur important de la gestion de la qualité de l'eau". "Soit Nestlé et les autres font ce travail-là, soit leurs activités vont s'éteindre", prédit l'élu.
M. Clergeau en appelle à "un devoir de transparence", alors que le Sénat français s'est emparé du sujet. Il a lancé une commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités.
Son président a assuré que les sociétés "Nestlé, Danone, Alma" allaient être auditionnées dans ce cadre. De son côté, Nestlé France a fait savoir auprès d'AWP n'avoir "reçu aucune demande en ce sens et aucune date n'a été fixée pour le moment." La commission rendra son rapport au plus tard le 20 mai 2025.
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)