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Une aide fédérale trop imprévisible pour protéger le bétail du loup
29.01.2024 – Alors que les tirs de régulation du loup divisent, l'utilité des mesures destinées à protéger les troupeaux pour réduire les dégâts causés par le canidé est, elle, largement reconnue. Mais l'imprévisibilité du fonds fédéral réservé à cet effet met les cantons dans l'embarras.
"La principale difficulté en 2023 était l'insécurité du financement", a indiqué à Keystone-ATS chargée de missions au département vaudois de l'agriculture (DGAV), Yvonne Ritter, en référence aux subventions fédérales allouées à la protection des troupeaux.
"Nos conseillers étaient sur le terrain, passant sur les exploitations pour évaluer quels alpages sont protégeables et conseiller les agriculteurs sur les mesures à prendre", précise-t-elle. Mais sans pouvoir leur assurer un financement, c'est "compliqué".
Ce point de vue est partagé par les autres cantons romands et par la Société suisse d'économie alpestre (SSEA). Pour sa gérante, Selina Droz, il est problématique que le montant total à disposition ne soit connu qu'en fin d'année, notamment pour les alpagistes qui ne peuvent être sûrs que leurs frais seront finalement remboursés. Même si certains cantons ont décidé d'ouvrir leur bourse pour avancer l'argent.
Rallonge parlementaire in extremis
Les subventions fédérales pour la protection des troupeaux de moutons et de chèvres proviennent principalement d'un fonds destiné à des mesures dites "urgentes", c'est-à-dire pour financer des aides-bergers, des cabanes mobiles et leur transport en hélicoptère et des clôtures notamment. Or, le montant disponible est imprévisible car il s'agit d'un crédit supplémentaire voté par le Parlement.
En 2023, 4 millions ont été initialement réservés à cet effet, une somme largement insuffisante selon la SSEA et la majorité des cantons romands. Or, la situation est identique cette année, alors que la pression du loup devrait perdurer, voire augmenter.
Grâce à une rallonge accordée in extremis par le Parlement lors de l'examen du second supplément au budget à la mi-décembre, il semblerait que les 7 millions finalement dévolus aux mesures urgentes aient permis d'honorer toutes les demandes en 2023.
L'Office fédéral de l'environnement (OFEV), responsable de la répartition de cette manne, publiera le décompte final "fin janvier", a-t-il indiqué.
Il convient de mentionner qu'il existe un deuxième fonds, doté lui de 3,7 millions et issu du budget ordinaire de la Confédération, qui couvre principalement les frais liés aux chiens de protection et aux clôtures.
Priorité accordée aux Alpes
Les demandes liées aux mesures urgentes sont effectuées par les éleveurs via les cantons. Face à l'incertitude de 2023, Vaud avait décidé au cours de la saison d'estivage qu'il prendrait à sa charge les frais des agriculteurs s'ils n'étaient pas remboursés par la Confédération, explique Mme Ritter.
Mais une bonne nouvelle est arrivée à la fin de l'année: l'OFEV a pu honorer toutes les requêtes vaudoises, soit le 80% des montants soumis. C'est également le cas du Valais, de Fribourg et du Jura.
En 2023, l'OFEV avait informé les cantons tôt dans l'année que la manne fédérale ne suffirait pas à tout couvrir et la priorité avait été accordée aux exploitations situées dans les alpages des Alpes.
En juin, le fonds destiné aux mesures urgentes était cependant déjà à sec.
Neuchâtel n'a pas touché un centime
Neuchâtel, situé hors de la zone priorisée, se trouve parmi les cantons défavorisés. Les attaques ayant commencé fin octobre seulement sur son sol, le canton n'a pas sollicité le fonds fédéral en 2023 car il avait été informé que les demandes seraient traitées par ordre d'arrivée, a expliqué la préposée neuchâteloise à la protection des troupeaux, Eugénie Vuille.
Pour combler ce manque, le Grand Conseil neuchâtelois a récemment accepté à l'unanimité une rallonge de 50'000 francs au budget 2024 pour la protection des troupeaux, au cas où les subventions fédérales viendraient à manquer. Selon la députée écologiste Clarence Chollet, cette proposition VertPOP a été déposée car certains agriculteurs étaient fâchés de n'avoir rien reçu du fonds fédéral.
"Il faut nous aider"
Le Valais, lui, salue l'existence du fonds, mais plaide pour l'augmentation du montant à disposition pour répondre à l'"explosion des populations de loups", explique le chef de l'Office de l'économie animale et des grandes cultures, Jean-Jacques Zufferey. Si la Suisse veut des loups, elle doit aider les cantons touchés.
En 2022, les trois principaux cantons alpins arrivaient largement en tête des bénéficiaires du fonds réservés aux mesures urgentes, doté alors de 5,7 millions de francs. Les Grisons étaient bien devant, avec près de 1,3 million. Le Tessin et le Valais suivaient avec un peu plus de 400'000 francs chacun.
A Fribourg et dans le Jura, le loup ne préoccupe pas autant que dans les Alpes. Le Grand Conseil fribourgeois estime d'ailleurs que la situation est "sous contrôle avec une certaine stabilité des attaques". Le préposé jurassien à la protection des troupeaux, Pierre-Alain Juillerat, est lui cependant inquiet que la pression ne s'accroisse dès cet hiver avec des loups venant du Jura vaudois.
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)