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Une initiative "qui ne change rien" mais envoie un "signal" à Berne
11.11.2021 – Le Valais votera le 28 novembre sur l'initiative "pour un canton du Valais sans grands prédateurs". Même si la population l'acceptait, celle-ci ne pourrait pas être appliquée dans sa totalité, conviennent le Conseil d'Etat, partisans et opposants. Si ces derniers la jugent donc "inutile", les autres y voient un moyen d'envoyer un "signal" à Berne.
L'initiative déposée en 2017 par une dizaine de Haut-Valaisans, dont plusieurs politiciens démocrates-chrétiens, a été paraphée par 9545 personnes et largement acceptée par le Grand Conseil. Elle exige l'introduction d'un nouvel article 14bis dans la Constitution cantonale visant trois axes sur lesquels l’Etat du Valais doit édicter des prescriptions à savoir l’amélioration de la protection face aux grands prédateurs, la limitation et la régulation de ces derniers ainsi que l'interdiction de leur promotion.
Sans être précisé dans l'article, le terme "grands prédateurs" devrait englober loups, lynx, ours et chacals dorés, "rien d'autre", promettent les partisans du texte.
Initiative trompeuse?
Le comité d'opposants, composé d'élus de gauche et d'organisations de défense de la nature, dénonce pour commencer un titre qui laisse penser qu'en cas d'acceptation, les grands prédateurs seront éradiqués. "C’est vrai, le titre est trompeur", ont concédé les partisans du projet lors du lancement de leur campagne. "Mais le peuple est amené à voter sur le texte en entier, qui lui ne l’est pas", relève Robin Udry, le seul francophone du comité ayant déposé l’initiative.
La première phrase de l'article demande que "l'Etat édicte des prescriptions relatives à la protection contre les grands prédateurs". Pour les partisans, cette initiative permettrait donc "d'optimiser la protection des troupeaux" en donnant le mandat clair au canton d'y investir plus de moyens, explique Christine Cavalera, experte en protection des troupeaux sur mandat du service cantonal de l'agriculture. De quoi pallier les mesures fédérales qui sont actuellement "insuffisantes".
L'élu vert au conseil municipal de Sierre et coordinateur du comité de campagne pour le "non" Jérémy Savioz nuance ce lien de cause à effet: "Il n'y a pas besoin d'une initiative coûteuse pour cela; le canton pourrait déjà aujourd'hui décider de compléter les mesures fédérales, comme par exemple prendre à sa charge une partie des frais engendrés par le recours à un berger".
Quelle marge de manœuvre?
"L'Etat édicte des prescriptions relatives à la limitation et à la régulation des effectifs des grands prédateurs". Pour les opposants, cette deuxième phrase fait croire à la population que le Valais pourrait "gérer sa faune sauvage tout seul, dans son coin" alors qu'elle est de la compétence fédérale.
Certains des partisans à l'image du député UDC au Grand Conseil Grégory Logean et du conseiller national PDC Sidney Kamerzin estiment que la marge de manoeuvre du Conseil d'Etat n'est pas "inexistante" et qu'il pourrait en faire davantage en analysant systématiquement les attaques et les apparitions du loup.
"Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir", répète de son côté le Conseil d'Etat, à chaque fois qu'il est interpellé à ce sujet lors des sessions du Grand Conseil. Le gouvernement a d'ailleurs admis qu'un "oui" dans les urnes "ne changera pas fondamentalement les choses", mais permettrait "d'envoyer un signal à Berne" qui se penche actuellement sur la "problématique" du retour du loup en Suisse. De manière à ce que la Confédération aille dans le sens du texte voté par le Valais, espèrent les partisans.
"Je pense que toute la Suisse connaît la position de notre canton au sujet du loup", relève Jérémy Savioz qui regrette le temps et l'argent gaspillés pour relayer une opinion déjà connue, au lieu de rechercher des solutions concrètes.
Qu'est-ce que la promotion?
Les opposants jugent enfin problématique la phrase de l'article qui interdirait la promotion des grands prédateurs et qui serait, à leurs yeux, la seule partie applicable. Ils dénoncent une "notion floue" et craignent pour la liberté d'expression et la recherche scientifique notamment.
En cas de "oui", le canton pourra "interdire tout élément qui pourrait aider au développement d'une meute. Le but est d'éviter la propagation d'une vision romantisée du loup" explique Robin Udry.
En clair, un musée public qui présenterait l'animal pourrait se voir réprimander s'il ne parlait pas non plus de "ses effets néfastes sur l'agriculture et les éleveurs", abonde Grégory Logean.
Deux idées reçues
Les organisations environnementales ne sont pas contre le tir de régulation du loup, relève Jérémy Savioz. Ce dernier souligne que le texte s'attaque à tous les grands prédateurs sans en donner de liste précise. Il s'inquiète ainsi des effets que pourraient avoir un tel article sur la population de lynx, déjà très fragile. De leur côté les partisans du texte estiment qu'un "rééquilibrage des forces" est nécessaire puisque "le loup est surprotégé" mais se positionnent pour "une cohabitation entre le loup et l'humain".
Tous appellent à investir les moyens suffisants pour que cette cohabitation puisse être réalisée sans que les éleveurs en fassent le frais.
Auteur : Agence Télégraphique Suisse (ATS)