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Colza : l’huile qui monte
Il faudra attendre que l’hiver passe pour revoir fleurir le colza et les champs se transformer en vastes et lumineuses étendues jaunes. Mais, comme chez Fabrice Nagel, à Charmoille (JU), la culture de cet oléagineux actuellement très en vogue est déjà en route, partout en Suisse. « On le sème entre la mi-août et le début septembre», souligne l’agriculteur, satisfait du bon départ de ses plantations.
Car les débuts du Colza sont souvent délicats et nécessitent un important suivi. Notamment en raison de la limace - une des pires ennemies des jeunes pousses -, qui est capable d’entraîner la perte totale d’une culture. Mais d’autres ravageurs peuvent également menacer le colza pendant toute sa période de végétation et nécessiter des traitements. Pour les limiter, Fabrice Nagel plante de la féverole conjointement au colza. « C’est ce qu’on appelle l’agriculture de conservation et de précision. Je sème 30 grains de colza pour 30 grains de féverole au m2, explique-t-il. La mixité des deux plantes amène une confusion au niveau des ravageurs. La féverole fait office de répulsif à l’automne, et apporte des reliquats d’azote au printemps. »
De la largeur face aux sangliers
Les dangers pour le colza ne s’arrêtent pas là. Arrivé à maturité, il a un autre « ennemi » : le sanglier. Mais là aussi, l’agriculteur jurassien a son astuce pour y faire face. « Lorsque je sème, je laisse 50 centimètres de largeur entre deux lignes plutôt que de semer sur toute la largeur. Ainsi, quand les sangliers passent, ils suivent les tranchées et font moins de dégâts. »
Malgré ces complications, le colza est une des cultures préférées de Fabrice Nagel. « C’est une histoire de famille, confie-t-il. Mon papa a commencé en 1980, et moi, j’en ai toujours fait. Je suis fasciné par la productivité du colza. On récolte jusqu’à plus de 5 tonnes avec un kilo et demi de semence par hectare.»
Diététique et gastronomique
Plus globalement, le colza a également le vent en poupe. Pour 2020, la quantité cible visée par le marché est de 106 000 tonnes, alors qu’elle était de 40 000 en 2001. C’est à partir du nouveau millénaire que cette oléagineuse a vraiment commencé sa révolution, avec d’une part l’apparition d’une variété de colza Holl sélectionée pour l’industrie pour la cuisson à haute température, mais également l’objectif de se mesurer à d’autres huiles dont on vante les vertus, telles que l’huile d’olive et l’huile de tournesol, dont elle n’a plus à rougir aujourd’hui.
D’ailleurs, l’huile de colza est la seule huile à figurer dans la pyramide alimentaire de la Société Suisse de Nutrition, en raison de sa haute teneur en vitamine E ainsi que pour sa richesse en Oméga-3. Gastronomiquement, elle figure aussi parmi les grandes, notamment, lorsqu’elle est pressée à froid et met en évidence son petit goût de noisette : « Lorsque j’ai débuté ma carrière de cuisinier, on ne parlait pas d’huile de colza, mais cela a clairement changé », relève Simon Apothéloz, chef de cuisine du Restaurant Eisblume à Worb et promu cuisinier de l’année 2018 par Gault & Millau. Même discours du côté de Franck Giovannini, le chef triplement étoilé du restaurant de l’Hôtel de Ville à Crisser : « Il est clair que l’huile de colza suisse figure en bonne place chez nous et que nous privilégions l’huile pressée à froid, par exemple pour aromatiser des sauces», dit-il.
Alternative à l’huile de palme
Mais si la demande pour l’huile de colza a explosé depuis cette année, c’est en raison des industries agro-alimentaires désireuses de remplacer l’huile de palme par le colza. La quantité ciblée pour 2020 était donc de 106 000 tonnes. Il en sera de même pour 2021. Jusqu’à maintenant, les producteur ont annoncé 98'979 tonnes, sur une surface de 25'445 hectares, soit l’équivalent de 37 000 terrains de foot (8'000 en 1970).
Pascale Bieri/AGIR