Main Content
Guerre totale contre le gel
Après la terrible année 2017 qui avait occasionné 60 % de perte sur les arbres fruitiers et 40 % sur le vignoble, 2021 semble bien partie pour se profiler comme une autre année noire en matière de gel. «En 2017, nous avions eu quatre nuits de gel, mais nous avions pu lutter. Cette nuit du 6 au 7 avril, j’ai connu les deux heures les plus difficiles de ma carrière: nous avons eu 100 % de perte», témoigne, ému, Jean-Noël Devènes qui est producteur d’abricots et viticulteur à Nendaz.
Dès moins deux degrés, des dommages aux cultures surviennent. Des critères comme le stade végétatif et la variété d’arbres déterminent à quel moment il convient de mettre en œuvre les moyens de lutte. Des tabelles existent afin d’anticiper les pertes auxquelles les producteurs doivent s’attendre. En ce début avril, les effets conjugués du vent et du gel ont entraîné jusqu’à 80 % de perte de la récolte d’abricots dans certaines communes. Par chance, les arbres sont répartis sur plusieurs zones du territoire cantonal, ce qui fait que des vergers ont été plus épargnés.
«Nous avons utilisé les bougies sur les coteaux, l’eau dans les vergers en plaine et les ventilateurs, y compris dans certaines vignes», explique Aline Defayes qui est arboricultrice à Saillon. Depuis quelques années, elles et ses confrères sont confrontés au renforcement de ces épisodes critiques. Conséquence probable du réchauffement climatique, les hivers sont désormais plus doux et les températures extrêmes peuvent passer en 7 jours de plus 25 à -5 degrés. Ce phénomène favorise l’éclosion précoce des bourgeons. Si une baisse soudaine des températures intervient, le risque de dégâts devient réel. Les hivers sont plus doux
Avec quelles armes?
Comme l’explique Richard Pellissier, « les outils pour lutter contre cet ennemi récurrent qu’est le gel se diversifient, même s’ils ont tous leurs limites. L’aspersion d’eau est le moyen le moins cher et le plus écologique. En revanche, elle n’est pas envisageable sur un coteau. Les bougies, quant à elles, sont onéreuses. Une unité coûte environ 12 francs pour huit à dix heures d’autonomie, selon les modèles. Il faut en disposer jusqu’à 500 à l’hectare. En cas d’utilisation sur une nuit entière, il n’est plus possible de s’en resservir. Et il convient d’ajouter à leur prix d’achat les frais conséquents liés à leur manutention».
La ventilation enfin ne vaut que pour des surfaces limitées. «Ce ventilateur géant augmente la température au maximum de trois degrés à trois degrés et demi (en fonction de la topographie et du type de froid) sur quatre hectares», confirme Mathieu Vergères qui est pépiniériste et viticulteur. Pour autant, cette machine lui offre une alternative afin de répondre à des besoins particuliers. Dans le cas des cerisiers, il est en effet déconseillé de procéder à une aspersion au stade de la floraison, car cette méthode aurait pour conséquence de laver le pollen. Il lui en a coûté près de 40’000 euros pour s’équiper de cet engin. Rapide à mettre en place et demandant peu d’entretien, il fonctionne au mazout et se révèle économique à l’utilisation.
Gagne-pain à défendre
L’une des autres ripostes consiste à intégrer différentes espèces et variétés de fruits. Les floraisons sont ainsi mieux réparties dans le temps, ce qui limite les pertes dues au gel. Les systèmes d’alarme sont des outils qui se révèlent par ailleurs efficaces. «Le gel printanier est très parcellaire. Il faut tenir compte des microclimats. On ne peut pas lutter de la même manière partout. Nous avons par conséquent besoin d’un maximum d’informations pour faire les bons choix. C’est là que la solidarité joue entre producteurs et je remercie ceux qui m’ont donné leurs conseils avisés», ajoute Aline Defayes.
Une série pour vous expliquer les outils de lutte contre le gel
Il est plus que jamais nécessaire d’ouvrir les portes du dialogue et de la compréhension. Alors que la population suisse votera, en juin prochain, sur deux initiatives dont l’objectif est de supprimer l’utilisation des produits phytosanitaires dans l’agriculture (y compris les produits autorisés en bio pour l'initiative "eau propre"), nous donnerons la parole à des agricultrices et aux agriculteurs valaisans qui ont dû lutter 3 nuits consécutives pour sauver leur récolte. A travers cette série, ils nous expliqueront l’outil qu’ils ont choisi pour lutter contre le gel durant ces nuits d’avril puis, en mai, nous les retrouverons pour tirer un bilan sur les outils choisis.
Pour ne pas manquer les autres vidéos de la série, abonnez-vous à notre chaîne Youtube.
Propos recueillis par Fabienne Bruttin / AGIR