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Le sucre suisse sous haute tension
La filière betteravière attend toujours la réponse de l’Office Fédéral de l’Agriculture, suite à sa demande de réintroduction provisoire du « Gaucho ». Cet insecticide, comme toute la famille des néonicotinoïdes, a été interdit en Suisse en 2019. Il permettait de protéger la betterave contre la jaunisse, une maladie virale transmise par les pucerons qui a fait son grand retour cette année. Avec, pour conséquence, ces champs au feuillage couleur paille que l’on observe partout alors qu’ils devraient être verdoyants. Et une importante perte de rendement pour les agriculteurs.
Sans un retour favorable de Berne sur cette requête, une menace plane sur la production sucrière suisse. Actuellement, elle permet d’assurer 70% de la consommation de sucre dans le pays, avec 250'000 tonnes produites par an. Mais, sans possibilité de protéger la matière première, soit la betterave, de nombreux agriculteurs songent à renoncer à cette culture.
Des prix qui chutent
Une, voire à terme les deux sucreries suisses seraient alors menacées. La situation est d’autant plus tendue que la filière sucrière est déjà soumise à une forte pression depuis l’ouverture des marchés. Le prix du sucre en Suisse baisse depuis une décennie ; il est passé de 107 francs/100 kilos en 2008 à 69 francs en 2017. Quant aux betteraviers suisses, ils ont été payés 43 francs/tonne en 2018. En 2008, c’était 86 francs et en 1998, 120 francs.
A cela s’est rajouté un autre problème, en 2018 : le syndrome des basses richesses, une nouvelle maladie due à un insecte nommé cicadelle qui est vraisemblablement arrivé en Suisse en raison du réchauffement climatique. Elle frappe la betterave en réduisant sa teneur en sucre. Puis, cette année, la jaunisse vient encore alourdir gravement la situation.
Dérogations en Europe
La Suisse n’est pas seule à être frappée par cette jaunisse. Mais vu l’état désastreux de la filière betteravière, de nombreux pays européens ont accordé une ré-autorisation provisoire de 3 ans pour le « Gaucho », rendue acceptable par le fait que la betterave sucrière ne fleurit pas. Et qu’il n’y a pour l’heure aucune autre alternative pour protéger ces cultures contre le jaunissement. En France, Barbara Pompili, la Ministre de la transition écologique qui avait fait interdire les néonicotinoïdes, assume parfaitement ce « retournement » provisoire voté par l’Assemblée nationale. « Moi je suis une écologiste, je veux me débarrasser de ces pesticides. Simplement quand on a un obstacle, soit on peut se mettre la tête dans le sable comme certains le font en disant « y'a qu'à, faut qu'on », soit on agit en responsabilité, c'est ce que j'ai essayé de faire. »
En Suisse, une décision concernant la demande de ré-autorisation provisoire du produit devrait tomber d’ici la fin de l’année. En cas de « oui », elle permettrait aux betteraviers de souffler un peu pendant que la recherche s’active pour trouver une variété de betterave résistante à la jaunisse. Et d’être à pied d’égalité avec les autres pays. En cas de non, c’est tout une partie, de la production sucrière de Suisse qui pourrait disparaitre. Tout en sachant que le bilan écologique du sucre helvétique est 30% supérieur à celui produit à l’étranger.
Pascale Bieri/AGIR
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