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«On a mis un petit bout de campagne en ville»
Dans le canton de Vaud, tout le monde connait Prométerre, mais concrètement, que fait l’Association ?
Prométerre est née, il y a 25 ans, de l’union de trois organisations : la Chambre vaudoise d’agriculture, l’Association vaudoise des groupes d’étude agricole et viticole et la Fédération rurale vaudoise. Cette fusion découle de la réflexion qu’une organisation de défense des intérêts des agriculteurs doit pouvoir être active tant sur le plan politique qu’en épaulant les exploitants dans leurs activités quotidiennes de chef d’entreprise. Aujourd’hui, il y a un échange permanent entre les deux pôles, politique et défense professionnelle. Cela nous permet notamment, grâce à ceux qui sont sur le terrain, d’être à l’écoute des besoins réels de nos membres. Nous pouvons ainsi mener des actions politiques en conséquence et adapter nos services afin qu’ils soient en phase avec ces besoins.
Vous avez un exemple ?
Au début des années 2000 nous avons développé la banque agricole, Sofia. Son objectif était d’apporter une solution aux mauvais traitements que les banques traditionnelles faisaient subir à l’agriculture. Elles considéraient que les crédits aux agriculteurs étaient à risque et elles leur appliquaient des pénalités. Avec Sofia, nous avons pu mettre en place des taux corrects. Aujourd’hui, nous avons 130 millions de prêts en cours, ce qui représente 15% du marché vaudois des prêts hypothécaires.
Un autre exemple ?
Pour répondre aux problèmes de recrutement de main-d’œuvre dans l’agriculture, nous avons mis en place Terremploi, une structure chargée du dépannage agricole et du placement de personnel. Nous avons également développé au sein de cette filiale un service de gestion administratives du personnel pour décharger les employeurs de ce travail complexe et fastidieux, car la législation et les exigences dans ce domaine sont de plus en plus lourdes et compliquées. Les agriculteurs demeurent les patrons mais toute la partie administrative peut nous être déléguée.
Si on se projette 25 ans plus loin, à quoi ressemblera l’agriculture ?
C’est un métier qui va continuer à se complexifier. Mais on se peut se demander si le modèle actuel d’agriculture familiale va subsister ou pas. On pourrait imaginer qu’on passe à une agriculture de type industriel, faite de grands domaines exploités par entrepreneurs lambda avec des employés. Personnellement je pense que le modèle familial va perdurer car c’est le plus économique et le plus apte à répondre à la fois aux attentes de production de proximité et à cette nécessité d’occuper très largement le territoire. Avec l’agriculture industriel, le principal risque serait que la technique de production choisie ne réponde pas aux attentes des consommateurs. Par ailleurs, elle se concentrerait sur les zones les plus faciles à exploiter et délaisserait assez rapidement les espaces plus compliqués à entretenir. Cela ne correspond pas au rôle que notre Constitution assigne à l’agriculture.
On parle beaucoup de la scission ville-campagne. Le « non » de la population à la révision de la loi sur chasse vous fait-elle craindre que les initiatives phytosanitaires subissent le même sort?
Les enjeux ne sont pas comparables. Lors de cette dernière votation, la problématique de l’agriculture et des prédateurs a été reléguée au second plan au profit d’un clivage chasse ou pas chasse. Cela étant, avec les initiatives phytosanitaires, on est aussi dans l’émotionnel. C’est pour cela qu’on essaie de faire un travail de fond - et notre anniversaire y participe - pour expliquer la réalité du terrain et éviter autant que possible les réactions émotionnelles qui pourraient nous jouer des tours. Qui ne veut pas d’eau propre ? Ou manger des produits sains ? C’est à nous d’amener un peu de rationalité dans ce débat en montrant que ce n’est pas noir ou blanc. L’agriculture ne reste pas les bras croisés face à ces attentes de la population, les choses évoluent. Mais elles se font au rythme que permettent les avancées technologiques.
L’anniversaire de Prométerre est donc placé sous le signe de la culture urbaine…
Oui, on a mis un petit bout de campagne en ville, en installant des cultures au coeur de Lausanne. Ce sera la colonne vertébrale de notre manifestation. La mise en place et l’évolution de ces cultures va donner un rythme qui nous permettra, sur 12 mois, d’essayer de faire passer un certain nombre de messages, le tout couplé avec un côté festif. Nous avons choisi de n’appliquer aucun traitement à ces cultures. Si certaines finissent mal, parce qu’il y a eu des attaques d’insectes ou des champignons, cela nous permettra de thématiser sur ces problématiques. La nature n’est pas toujours bienveillante... Quand on veut garantir une production avec des résultats en qualité et en quantité, on se retrouve face à certains impératifs de protection.
Propos recueillis par Pascale Bieri/AGIR