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Avoir 22 ans, du cœur à l’ouvrage, et un soutien politique
Le froid piquant avant de passer le portique façon aéroport, les nobles escaliers, statues, blasons, lustres et enluminures: tout visiteur du Palais fédéral a un jour fait cette expérience immuable, qui vous pose les institutions de la Confédération dans le dur de l’Histoire. Ce jeudi 5 décembre, toutefois, il y avait mieux encore pour la petite trentaine d’élèves romands en Maîtrise fédérale agricole, entourés de plusieurs de leurs professeurs. Réunis tout en haut du bâtiment, dans la plus grande salle de séance des groupes parlementaires, ils ont pu échanger avec sept élus, de tous bords politiques ou presque.
Respect et pondération
Pour le vice-directeur de l’Union suisse des paysans, Francis Egger, longtemps directeur de l’Institut agricole de Grangeneuve (FR), c’était une dernière: il prendra sa retraite en juillet prochain. Ces échanges, comme un trait d’union entre les deux univers de sa vie professionnelle, l’enseignement puis le lobbying politique, il les a vécus avec émotion. "A Grangeneuve, quand je rentrais dans une classe de Maîtrise, je me disais parfois 'Où tu l’envoies cette équipe? Dans quels métiers?' Or aujourd’hui, j’ai ressenti beaucoup de respect. Ils sont pondérés, ces jeunes, à l’écoute, et c’est quand même la relève de demain. Sachant qu’ils doivent faire avec une certaine injustice: d’une part beaucoup de choses se décident pour eux ici, au Parlement fédéral, et puis leurs réalités sont très différentes qu’ils soient enfant unique avec des parents exploitant 40 hectares, ou qu’ils aient trois frères et sœurs devant se partager 15 hectares."
Une ouverture vers d’autres intérêts
"Leur chance, en devenant Maître agriculteur, comme l’est le conseiller fédéral Guy Parmelin", poursuit Francis Egger, "c’est qu’ils pourront s’engager sur de multiples plans. Certains sont déjà au comité d’une coopérative, un autre s’investit pour sa commune, etc. Cette formation est excellente pour ça. Faites le test: demandez donc dans la rue si les gens savent ce qu’est l’OMC, alors que, dans une classe de Maîtrise agricole, les jeunes le savent. Parce que cette formation est large."
Et elle est donc passée, cette formation, par une explication sur les us et coutumes du Palais, avec ce ping-pong dans le traitement des dossiers, entre Conseil national et Conseil des Etats, dont le budget 2025 à l’étude se trouve être une excellente illustration. Sept parlementaires sont aussi venus à leur rencontre, pour un échange sur les orientations de leurs partis respectifs vis-à-vis du monde agricole.
Des Verts à l’UDC
Dans cet exercice, la verte vaudoise Sophie Michaud Gigon a dit défendre "la durabilité autant environnementale qu’économique", tandis que sa collègue conseillère nationale PLR genevoise Simone de Montmollin plaidait pour la responsabilité individuelle: "L’articulation entre risque entrepreneurial, assurances et Etat, doit être revue au profit des agriculteurs". L’UDC fribourgeois Nicolas Kolly en a appelé à une plus grande unité contre "un système malade, entré dans un cercle vicieux de contrôles depuis 25 ans". Quant au centriste jurassien Charles Juillard, il réclame, pour répondre à la disparition des terres agricoles, que l’on "arrête de sacraliser la forêt, elle qui gagne du terrain depuis des années en Suisse".
"Dire aux villes la réalité des choses"
Parmi les réactions étudiantes, Vincent, de Broc (FR), a apprécié "une défense professionnelle assez forte et bien représentée au Parlement, ce qui n’est pas le cas pour tous les métiers". "Si on est souvent remis sur le billard lors des votations, on peut se rassurer en constatant tout ce qui est entrepris pour garder la confiance de la population. L’enjeu des prochaines années sera de s’unir davantage, car, aujourd’hui, on se tire trop dans les pattes pour des questions de terrains agricoles". Son camarade Xavier, de Gruyère, souligne que "face aux deux géants de la distribution, le monde paysan suisse est une mosaïque de quelque 48'000 petites entités réparties sur tout le territoire, obligées de s’allier au mieux pour défendre ses intérêts. Il faudrait peut-être aussi que l’on prenne les devants, comme en France, pour nous montrer davantage sur les réseaux, et dire aux villes la réalité des choses dans les campagnes".
Etienne Arrivé/AGIR