À chaque année sa peine. Et cette année, c’est la cercosporiose qui a fait trembler les betteraviers. Cette maladie, causée par un champignon microscopique, a profité de l’été tempéré et humide pour faire son retour en Suisse. En s’attaquant aux feuilles des betteraves sucrières, elle crée des taches brunes qui perturbent la photosynthèse et réduisent la production de sucre. "On tourne autour de 14,3% de teneur en sucre pour la Suisse romande", souligne Basile Cornamusaz, responsable de l’antenne romande du Centre betteravier suisse. Un chiffre en dessous des 16% espérés, le seuil de référence pour le prix de cette racine destinée à produire notre sucre suisse.
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Betteraves sucrières: malgré les défis, les producteurs retrouvent confiance
2024 a été faite de hauts et de bas. "Entre mai et juillet, les betteraves étaient magnifiques, et les producteurs étaient super contents", confie le spécialiste. Puis la cercosporiose est arrivée, portant un nouveau coup au moral des producteurs, déjà éprouvés par plusieurs années marquées par diverses maladies et ravageurs: la jaunisse de la betterave, le syndrome des basses richesses (SBR) ou encore le charançon. D’ailleurs, ces deux derniers problèmes sont toujours là, notamment le SBR, très présent sur le plateau romand, et qui progresse chaque année un peu plus en direction de la Suisse alémanique.
Cela étant, la récolte 2024, qui bat actuellement son plein et s’achèvera fin novembre, n’est pas aussi catastrophique qu’on aurait pu le craindre à la mi-août, quand la cercosporiose a fortement attaqué les parcelles. Basile Cornamusaz la qualifie même de "moyenne à bonne". "Les conditions météo de cet été, avec beaucoup de précipitations et des températures modérées, ont été propices à la croissance des betteraves. Le volume des racines compense la faible teneur en sucre."
Un regain de confiance pour l’avenir
Pierre-Alain Epars, vice-président de la Fédération suisse des betteraviers et producteur à Penthalaz, dans le Gros-de-Vaud, partage ce constat. "C’est une bonne année au niveau du tonnage, même si le taux de sucre est chaque fois un peu plus bas. Mais, personnellement, je préfère voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide."
Globalement, le moral est plutôt bon chez les betteraviers. Les surfaces cultivées sont à nouveau en augmentation, et les prix au tonnage sont redevenus attractifs: 61 francs pour 2024 (un montant maintenu pour 2025) contre 45 francs en 2021. Toutefois, la libéralisation du marché européen en 2017, qui a fait chuter les prix pour les producteurs suisses, laisse des traces. La betterave sucrière, cultivée sur 21'000 hectares en 2015, n’occupait plus que 16'000 hectares en 2022.
"Aujourd’hui, nous avons regagné des surfaces. Nous sommes à 17'000 hectares, dont 600 hectares supplémentaires en 2024. J’ai bon espoir que cette tendance se poursuive", se réjouit Pierre-Alain Epars. Cette évolution accompagne la hausse du prix de la betterave, passé de 45 francs la tonne en 2021 à 61 francs en 2024. "C’est un prix intéressant, même comparé à d’autres cultures", ajoute-t-il, même si un système de bonus-malus, basé sur le niveau de sucre, s’applique.
Un équilibre fragile mais encourageant
La situation reste toutefois fragile sur le marché du sucre suisse. Et l’avenir des deux sucreries suisses, Aarberg (BE) et Frauenfeld (TG), qui transforment la betterave en poudre blanche est intimement lié à celui des producteurs. Raison pour laquelle un accord a été trouvé pour limiter les pénalités dues aux faibles teneurs en sucre. "Chacun a pris ses responsabilités, explique Pierre-Alain Epars. Aujourd’hui, on dispose de moins en moins de substances actives pour traiter les plantes en cas de problèmes, et la recherche mettra encore du temps à proposer des variétés vraiment résistantes aux maladies. Pour éviter que les producteurs ne soient trop pénalisés et renoncent à cette culture, et donc que les sucreries ne soient plus approvisionnées, la décision a été prise d’abaisser le malus à 15%. Il y a donc une zone neutre entre 15 et 16% où aucune déduction n'est faite."
Pascale Bieri/AGIR