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Comment la bactérie Morganella morganii peut-elle représenter un risque pour la santé?
Maux de tête, douleurs d’estomac, rougeurs de la peau… La responsable de ces symptômes, indiquant une intoxication alimentaire, pourrait être une bactérie répondant au doux nom de Morganella morganii. Sa présence est indésirable dans les produits à base de poisson puisqu’elle produit une amine biogène, l’histamine, dont l’ingestion provoque des troubles alimentaires. Une récente étude, menée par Agroscope et l’Institut français de recherche INRAE et publiée dans l’«International Dairy Journal», a montré que M. morganii produit également de l'histamine et d'autres amines biogènes dans le fromage.
Un indicateur de qualité
«Les amines biogènes sont, entre autres, un indicateur de la qualité des denrées alimentaires. Pour comprendre et éviter la formation de ces substances dans les aliments, il est important de connaître les micro-organismes qui peuvent les former. Il existe plusieurs études scientifiques démontrant que M. morganii est à l’origine de la formation d'amines biogènes dans le poisson. Il n'existe cependant aucune étude scientifique sur le comportement de cette bactérie dans le fromage», déclare un des auteurs Stefan Irmler, responsable du groupe de recherche Biochimie du lait et microorganismes chez Agroscope. La recherche ne se veut «pas alarmante», rassure le scientifique tout en soulignant qu’elle «comble plutôt une lacune de connaissances».
Contamination volontaire
L’idée était «d'analyser la croissance de M. morganii dans la matrice du fromage. En outre, nous avons voulu savoir si elle était capable de se développer et de former des amines biogènes dans le fromage», précise Stefan Irmler. «Nous avons alors fabriqué dans une fromagerie pilote, dans des conditions contrôlées, des fromages d’essai de type raclette à croûte emmorgée que nous avons volontairement contaminés avec la bactérie.»
Concrètement, les scientifiques ont inoculé M. morganii dans le lait pasteurisé et trois variantes de fromage ont été produites. Une première contenant une souche de la bactérie formant de la cadavérine et de l'histamine, puis une variante avec une souche formant de la putrescine et de l'histamine, et enfin une variante sans M. morganii. En fin de maturation - après 130 jours -, les fromages présentaient des M. morganii dans la croûte et des amines biogènes dans diverses couches. Les teneurs en cadavérine étaient nettement plus élevées dans la croûte (310 mg/kg) qu’à l’intérieur du fromage (160 mg/kg). La concentration en putrescine était en moyenne de 59 mg/kg dans toutes les couches. Quant à l’histamine, elle était présente à une concentration en moyenne inférieure à 50 mg/kg.
Révélateur de qualité hygiénique
Les auteurs de l’étude insistent sur le fait qu’il «n’existe à ce jour aucune donnée sur la propagation de cette bactérie dans les fromages suisses». Ils expliquent qu’elle «se développe très bien sur la gélose sélective, qui est utilisée pour la détection quantitative des entérobactéries». Ces organismes sont révélateurs de la qualité, d’un point de vue hygiène, de nombreuses denrées alimentaires. Pour les scientifiques «M. morganii a probablement été négligée jusqu’à présent lors de la détermination du nombre de germes de ces bactéries dans les fromages». «Les méthodes de détection développées pour la présente étude peuvent être utilisées pour conseiller les producteurs de lait et les fromagers», souligne Stefan Irmler. D'autres études portant sur la propagation dans les fromages et l'impact de la bactérie sur la santé humaine seraient utiles pour «mieux évaluer le risque pour la santé des consommatrices et consommateurs».
Lien vers l’étude
Kalina Anguelova/AGIR