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Des engrais de ferme dans le réseau de gaz
L’intérêt de Vincent Boillat pour le biogaz ne date pas d’hier. On pourrait même dire que ce jeune agriculteur jurassien de 37 ans est tombé dans la marmite, puisqu’en 2006 déjà, il étudiait la possibilité de créer une centrale de biogaz agricole sur sa commune de Courtemelon (JU), dans le cadre de son travail de maturité. Dix-huit ans plus tard, c’est chose faite. Avec deux collègues paysans, Hervé Cattin et Thierry Chételat, il a fondé EcoBioVal Sarl, la première centrale de biogaz agricole, en Suisse romande, à injecter du biométhane dans le réseau de gaz local.
En Suisse, une seule autre installation, dans le Rheintal (Saint-Gall), produit également du biométhane pour le réseau de gaz. Il existe toutefois de nombreuses autres centrales à biogaz agricoles dans le pays, mais elles produisent principalement de l’électricité et de la chaleur.
De l'électricité au gaz
"Dans un premier temps, nous pensions, nous aussi, produire de l’électricité, explique Vincent Boillat. Nous avions obtenu un permis, en 2018, dans cet objectif mais tout s’est stoppé, car nous n’avons pas pu avoir de contrat avec la Confédération pour la rétribution à prix coûtant (RPC) de l’électricité verte."
Les trois agriculteurs ne baissent pas les bras pour autant. Et, peu après, une nouvelle opportunité se présente. "Nous avons été approchés par le gestionnaire du réseau de gaz d’EDJ (Energie du Jura SA), qui souhaitait développer une offre de gaz renouvelable local", poursuit Vincent Boillat. En parallèle, le Syndicat de gestion des déchets de Delémont et environs (SEOD) cherchait une solution pour valoriser ses déchets verts. C’est ainsi que le jeune agriculteur et ses collègues remodèlent leur projet initial, déposent une demande de construire en 2021 et que les travaux débutent en septembre 2022.
Des résultats dépassant les attentes
Résultat: la nouvelle centrale, qui bénéficie également du soutien de l’Association suisse de l’industrie gazière (ASIG), fonctionne depuis mi-janvier 2024. Et, les premiers objectifs fixés sont déjà dépassés. "Nous sommes 10 à 20% au-dessus du régime que nous pensions atteindre pour cette première année. Nous devrions produire 9 ou 10 millions KWh de biométhane, ce qui correspond à l’équivalent de 800 à 900'000 litres de mazout. Ou au 10% du réseau de gaz de la vallée de Delémont."
Autres chiffres éloquents, dès la fin du printemps et en été, lorsque les chauffages sont quasiment à l’arrêt, l’installation devrait permettre de couvrir la totalité des besoins en gaz de Delémont et de quatre localités alentours.
Une solution durable et écologique
Bref, cette production de biométhane locale réduit de manière substantielle la dépendance au gaz en provenance de l’étranger, et aux énergies fossiles, tout en étant bénéfique pour le climat. Notamment en réduisant les émissions de CO2. "La valorisation matérielle et énergétique des déchets verts et des engrais de ferme permet la fermeture du cycle des éléments nutritifs, et réduit les émissions de méthane liées à l’élevage", se réjouit Vincent Boillat, tout en ajoutant: "Un autre objectif de ce projet était d’offrir aux agriculteurs, qui sont un peu coincés avec leurs fosses, des volumes de stockage supplémentaires pour leur lisier et leur fumier."
La méthanisation des déchets organiques, permet aussi aux agriculteurs d’avoir à disposition des engrais naturels: les digestats. Ces résidus sont non seulement riches en nutriments, mais ils ont également l’avantage de ne pas émettre de gaz à effet de serre, et contribuent ainsi à une agriculture durable.
Aujourd’hui, une quarantaine d’agriculteur de la région de Delémont collaborent avec Ecobioval, que ce soit pour amener leurs engrais de ferme ou pour venir s’approvisionner en digestat.
Pascale Bieri/AGIR