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Des nouveaux gardiens pour les troupeaux
Le traumatisme est toujours bien présent pour Yves Bruchez, éleveur d’ovins dans le Val de Bagnes (VS). En 2020, il a perdu 41 moutons à l’alpage de Corbassière suite à des attaques de loups. En 2021, même scénario avec cette fois 7 moutons tués. « Le résultat, c’est que j’ai renoncé à monter l’année dernière », confie-t-il.
Samuel Pierroz, éleveur de montagne à Liddes (VS), a fait face au même carnage, il y a trois ans, avec une cinquantaine de bêtes victimes du loup.
Face à la recrudescence du prédateur, qui a fait son retour en Suisse en 1995 (aujourd’hui, on estime le nombre à 240) et de ses attaques multiples jusqu’en plaine, les éleveurs réclament avec force à une vraie régulation. C’est une condition sine qua non pour que la prévention ait un sens, appuient-ils. « On ne peut pas constamment nous demander de faire des efforts, sans agir en amont. On peut faire face à un ou deux loups, mais pas quinze ! », dit Samuel Pierroz.
Besoin de chiens de protection
Car, de leur côté, les éleveurs jouent le jeu pour se préserver des attaques : ils ont recours à des parcs de nuit ou des abris fermés à l’alpage, intensifient la présence humaine auprès des troupeaux à la montagne et s’appuient sur l’assistance de chiens de protection. Le recours et la demande pour de tels gardiens se sont d’ailleurs fortement intensifiés, ces dernières années.
Aujourd’hui, les chiens de protection sont formés par l’association Agridea, et remis ensuite aux éleveurs. Toutefois, leur nombre n’est pas suffisant pour répondre à l'ensemble des requêtes. « Suite aux attaques que j’ai subies, il y a trois ans, je me suis adressé à Agridea. Mais il y avait deux ans d’attente, confie Samuel Pierroz. Je ne me voyais pas patienter si longtemps. J’ai donc décidé de prendre des chiens de mon côté, en l’occurrence des Saint-Bernards, et de les former. »
Le problème, c’est que dans un tel cas, les chiens ne disposent pas d’un statut officiel. Autrement dit, ils ne sont pas reconnus comme « une mesure de protection pour les troupeaux » par la Confédération. Et leurs propriétaires ne disposent d’aucune aide pour subvenir aux besoins et aux soins de leur animal. Contrairement aux « chiens officiels » d’Agridea.
Efficaces et sociables
C’est dans ce contexte que l’Association Arcadia présidée par une jeune éleveuse et bergère, Justine Jacquemart, a mis sur pied un nouveau programme, avec différents experts issus à la fois du monde de l’agriculture et du monde du chien. L’objectif : permettre aux éleveurs de former leur propre gardien, puis de passer un test pour valider sa socialisation.
En 2022, 365 chiens de protection étaient reconnus par la Confédération. En parallèle, on estime que plus d’une centaine d'autres chiens « non officiels » gardent des troupeaux. «Il est important de pouvoir garantir la non dangerosité de l’ensemble de ces chiens, c’est-à-dire de s’assurer qu’ils protègent les troupeaux tout en étant suffisamment sociables et ne pas présenter de risques envers les randonneurs et les touristes de montagne », appuie Justine Jacquemart.
Première en Valais pour Arcadia
Ce nouveau programme est testé actuellement en Valais et pris en charge par le canton, après avoir été approuvé par ses différents services de l’agriculture, vétérinaire et de la chasse.
Cette année, l’association fera passer des tests à 60 chiens, du haut et du bas Valais. Dont ceux d’Yves Bruchez, qui a choisi de prendre deux chiots Kangals. « On n’a plus le choix si on veut continuer à pouvoir faire de l’élevage ovin, bovin ou caprin, puisque le prédateur descend désormais jusqu’en plaine et parvient à s’introduire dans les étables. » Et d’ajouter : « Pour moi, c’est très important de venir me former pour partir sur de bonnes bases et de m’assurer d’avoir des chiens sociables et compétents. »
Parmi les chiens suivant la formation d’Arcadia, on trouve toute sorte de races : Montagnes des Pyrénées ou Bergers de Maremme et Abruzzes (les deux races reconnues officiellement à ce jour par la Confédération), mais également des Kangals, des Bergers des Carpates, des Saint-Bernards ou des Transmontano. Chacune de ces races à ses spécificités dans sa manière de travailler et de protéger les troupeaux. Et il y a des bons chiens dans chacune de ces races », assure Justine Jacquemart.
Pascale Bieri/AGIR