Main Content
Des sentinelles efficaces de jour comme de nuit
L’arrivée de Doris Leuthard et Jacqueline de Quattro sur l’alpage du Creux-de-Champ exploité par Jean-Pierre Vittoni, a aussitôt été signalée par les aboiements vigoureux et dissuasifs de quatre montagnes des Pyrénées (patous) évoluant au milieu d’un troupeau de moutons. Une fois le danger évalué… puis écarté, les chiens se sont recouchés tranquillement, jusqu’à la prochaine alerte.
Si les chiens de protection ne font pas encore l’unanimité chez certains paysans, éleveurs ou bergers, Jean-Pierre Vittoni confirme quant à lui que la présence de ces gardiens sur l’alpage garantit une protection efficace aussi bien contre les prédateurs sauvages que tout autre danger. Et il parle en connaissance de cause, puisqu’il s’investit à fond dans le programme de protection des troupeaux depuis qu’il a lui-même des bêtes qui ont péri en 1998 sous les crocs de chiens errants. Le spécialiste et éleveur de patous précise cependant qu’il faut être motivé pour posséder des chiens, car ils engendrent un supplément de travail et exigent certaines connaissances de base.
Sociable mais intransigeant
Capable d’évoluer de manière autonome et de repousser tout intrus (animal ou personne), le chien protecteur est élevé au milieu des moutons, chèvres et vaches afin de développer un lien étroit avec eux. Mais il est aussi régulièrement promené en laisse et manipulé par les humains pour être sociabilisé. Ce chien de travail, parfaitement efficace dès l’âge de deux ans, doit être capable de reconnaître le danger tout en évitant de développer des comportements agressifs envers les humains ou les animaux ne menaçant pas directement le troupeau.
Engagement collectif
L’intégration de chiens de protection porte ses fruits et sert les intérêts des éleveurs, ont expliqué ensemble Doris Leuthard et Jacqueline de Quattro. Mais ce système peut fonctionner uniquement grâce à la collaboration de tous les partenaires, en particulier les éleveurs, les bergers, les spécialistes de la protection des troupeaux, les représentants de la faune et experts des grands prédateurs, les autorités cantonales et fédérales, ainsi que le public, ont-elles rappelé.
Aujourd’hui, environ 200 chiens veillent sur la tranquillité des quelque 90 alpages suisses menacés par les prédateurs. Protection qui va s’intensifier dans les années à venir avec la formation probable de meutes de loups et l’augmentation du nombre de grands prédateurs sur notre territoire, estime Doris Leuthard en charge du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC).
Sur la base du volontariat
L’engagement des éleveurs, rappelle Doris Leuthard, demeure la condition essentielle pour garantir le succès à long terme des opérations. Ces derniers sont en effet libres d’accepter ou de refuser de collaborer. Lancé en 1999 par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), le programme «Protection des troupeaux Suisse» est complété par les mesures prises par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) par le biais de l’Ordonnance sur les contributions d’estivage. Cette dernière soutient financièrement les éleveurs et bergers assurant une meilleure gestion des alpages grâce aux pâturages tournants et au gardiennage des animaux de rente. AGRIDEA (Association suisse pour le développement de l’agriculture et de l’espace rural) est responsable de la coordination nationale.
Formation et indemnisation
Trois axes sous-tendent ce programme: la mise sur pied d’un groupe mobile d’intervention composé de bergers et de leurs chiens qui se déplacent en cas d’attaques dans les zones chaudes; la création d’un réseau national d’éleveurs et de formateurs de chiens de protection, ainsi que de spécialistes qui aident les éleveurs d’animaux de rente à appliquer chez eux les mesures de protection; enfin, l’octroi de contributions fédérales pour les éleveurs travaillant avec des chiens. Ces derniers bénéficient d’un soutien financier pour acquérir et entretenir un ou plusieurs chiens. Un dédommagement leur est accordé lorsqu’ils perdent des bêtes tuées par de grands prédateurs. L’OFEV dispose d'un budget global de 850'000 francs par an pour mener à bien les différents volets du programme.
Cantons pionniers
A l’instar de Fribourg et Berne, le canton de Vaud, rappelle Jacqueline de Quattro, chef du Département de la sécurité et de l’environnement (DSE), a joué un rôle pionner dans la mise en œuvre des conditions nécessaires pour rendre la cohabitation possible des bêtes de rente avec les grands prédateurs. Actuellement, près de 90% des 7'600 ovins et caprins de ce canton bénéficient du Programme national de protection des troupeaux de moutons, de chèvres et depuis peu, de bovins. En Suisse, sur les quelque 250'000 moutons en estivage, 30'000 sont protégés. Elle ajoute que sans le financement des chiens de protection, il serait beaucoup plus difficile de convaincre les éleveurs de prendre des mesures de protection.
Sensibilisation du public
Considérée comme un lieu de détente par les randonneurs, la montagne reste pour les professionnels de la terre un espace de travail qu’il faut apprendre à respecter et sur lequel hommes, animaux domestiques et sauvages sont appelés à se côtoyer de plus en plus fréquemment. Afin d’aider le public à observer les bons comportements en présence des chiens de troupeau, l’Association Chiens de protection des troupeaux Suisse (CPT-CH) a élaboré une campagne de sensibilisation passant notamment par la publication de brochures. Des panneaux explicatifs posés en bordure d’alpages contrôlés par les chiens invitent les promeneurs à maintenir la plus grande distance possible avec les troupeaux et ne pas exciter les chiens protecteurs, à rester calme, descendre de vélo et tenir Médor en laisse.
AR/AGIR