Main Content
Dissocier l’enfant de son comportement
"Parce que l’école les maintient toujours plus dans le cursus traditionnel, parce qu’on considère désormais que ce n’est plus seulement à l’élève de s’adapter à l’institution, mais que c’est à elle de s’adapter à l’élève, on constate, nous aussi, que l’on accueille toujours plus d’élèves à besoins particuliers sur nos exploitations". Dès lors, les questions à ce sujet devenaient récurrentes du côté des prestataires de L’école à la ferme. Si bien que la présidente romande de l’association, Alexandra Läderach, mère de trois enfants et dont le fils Quentin, 15 ans, souffre de troubles du spectre autistique, avait à cœur d’échanger avec ses collègues lors de la journée de formation, organisée cette année dans les locaux de l’institut agricole de Grangeneuve. "Ce matin, ils ont pu nous remonter leurs expériences, et nous les avons conseillés, quitte à, peut-être, leur donner la réponse précise plus tard."
"Prendre un risque, c’est donner une chance"
Car l’une des inquiétudes, qui s’est avérée revenir systématiquement lors des quatre ateliers organisés, aura été celle de la responsabilité juridique des prestataires : "Est-ce qu’une loi nous protège ?" "Dans une ferme, tout est potentiellement dangereux et le risque zéro n’existe pas..." Alexandra Läderach en a appelé au bon sens, rappelant que l’on doit s’appuyer sur la couverture d’assurances de son exploitation, et qu’il s’agit de mettre les enseignants en face de leur responsabilité vis-à-vis des élèves tout au long de la visite. L’ancien directeur du Centre éducatif et pédagogique d’Estavayer-le-Lac, Dominique Grobéty, a, lui, répété combien "prendre un risque, c’était aussi donner une chance". "J’ai pris conscience du cadeau que vous faites en accueillant ces élèves sur votre territoire. La diversité de vos exploitations est une richesse pour les classes. Ils viennent voir votre travail, et le maître-mot, de part et d’autre, c’est « respect ». Merci pour ça !"
Savoir à quoi s’attendre
Reste que ces visites, qui ont franchi l’an dernier la barre des 60'000 enfants concernés sur quelque 400 exploitations en Suisse, doivent être préparées en amont. "Cela vous permettra de ne pas angoisser et de savoir à quel groupe s’attendre", a relevé l’autre invitée, Laurence Baechler, enseignante en primaire dans la commune fribourgeoise de Cheyres-Châbles. "Savoir comment est la classe cette année, quels besoins particuliers s’y expriment, vous permettra de modifier telle ou telle situation d’accueil, tout en sachant quel soutien sera nécessaire et qui en aura la charge."
Et Alexandra Läderach de compléter : "Il ne faut pas que l’enseignant nous pointe du doigt un élève, mais juste que l’on soit prévenu, afin de dissocier l’enfant, avec lequel on doit garder une attitude positive, du comportement de cet enfant. Il y a aussi des questions de vocabulaire : nos prestataires doivent faire preuve de retenue, tenir compte des sensibilités actuelles en milieu scolaire. Et puis, quand un parent est accompagnant, il s’agit de s’assurer, en amont, qu’il soit utile à tout le groupe, et pas juste à son enfant et à ses meilleurs copains". Autant de bons conseils que l’on trouve consignés sur les check-lists mises à disposition des prestataires, régulièrement actualisées sur le site ecolealaferme.ch - un site qui s’avère surtout visité par les nouveaux prestataires, moins par les habitués. Et pour ceux qui veulent aller plus loin, l’association rappelle que des formations à prix raisonnables existent, sur quelques jours, auprès d’organismes tels qu’Autisme Suisse romande.
La motivation change tout
Relevons que les participants ont très souvent souligné combien la motivation du corps enseignant est déterminante. "Et le top serait qu'une classe vienne plusieurs fois dans l'année sur la ferme, afin que l'on puisse faire un suivi", développe Alexandra Läderach, "pour qu’il y ait une vraie démarche pédagogique, avec un avant et un après". "On est ravis de constater que les enseignants ne réservent plus ces sorties à la ferme aux tout-petits, mais qu’elles permettent d’apporter des éléments d’explications aux ados, sur des thèmes très actuels et toujours plus complexes. Pourquoi les Européens boivent-ils du lait ? Pourquoi le cheval a-t-il été domestiqué, et quelle influence cela a-t-il eu sur son propre bien-être ? Découvrir, expérimenter, apprendre : avec L’école à la ferme, notre objectif général reste que tous les enfants puissent, au moins une fois, nous rendre visite. On progresse, mais on n’y est pas encore. A côté des chambres d’agriculture et des services cantonaux de l’éducation, le soutien financier des communes est souvent décisif, mais il est généralement consacré aux courses d’école. Or nous ne pouvons pas accueillir tout le monde entre mai et juin."
Ce mercredi, c’était la fin novembre, et les exploitants ont poursuivi leur journée par une visite de la ferme-école de Grangeneuve. Du fourrage au biogaz, ils ont eu tout loisir de poser leurs questions sur les nouvelles formations du secteur. A noter qu’Alexandra Läderach, mobilisée par d’autres projets, a annoncé sa démission du comité pour l'assemblée générale 2025.
Etienne Arrivé/AGIR