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Franches-Montagnes, franche colère
"Cette pétition de l’USP, tout le monde autour de moi la partage, ça prend 5 secondes sur WhatsApp, et elle est très bien sur le fond. Mais quelles solutions précises propose-t-elle ? Et quel est son impact politique ? Aujourd’hui, je me dis que les réponses de court terme attendues par les jeunes agriculteurs, elles ne viendront pas de la politique !" Passion et exaspération tambourinent dans la voix de Fabien Brahier, à Lajoux. A 28 ans, employé agricole depuis 5 ans sur l’exploitation paternelle, il est membre du comité des Jeunes agriculteurs jurassiens. Ici, on produit principalement du lait destiné à la fabrication de fromages Tête de Moine AOP.
Mettre des propositions sur la table
A 1000m d’altitude, entre grands pâturages, épicéas et murs de pierre sèches, sa ferveur tranche dans le paysage bucolique alentour. "On a eu une séance avec les JAJ, comme ailleurs on a voulu donner la parole à tout le monde et faire remonter les revendications. Nous, on pense qu’on doit se prendre en main, en mettant des exemples sur la table. En particulier sur les contraintes administratives. Quand on voit un bâtiment comme le nôtre, est-ce qu’il est encore rationnel d’y tenir un journal des sorties pour nos bêtes ? Une fois qu’un agriculteur a investi des centaines de milliers de francs pour participer aux programmes de bien-être animal de la Confédération, soit pour obtenir des compensations SRPA, récompensant des sorties régulières du bétail en plein air, soit pour des compensations SST, liées à la mise en place de systèmes de stabulation particulièrement respectueux des animaux, est-ce que c’est normal de devoir encore mettre des coches sur une feuille pour savoir que les vaches sont dehors ? Même chose avec un carnet des champs, alors qu’aujourd’hui toutes les données sont géoréférencées et disponibles sur le net pour les contrôleurs : est-ce que ça vaut la peine de dire encore combien de litres de lisier on épand par hectare ? On a tellement de statistiques, de moyennes et de références, alors est-ce que ça vaut encore la peine de subir ces couches administratives supplémentaires ?"
Pour AgriJura, les banderoles doivent rester
Du côté de la Chambre d’agriculture AgriJura, à Courtételle, le jeune directeur François Monin se fait l’intermédiaire entre ces revendications, ces colères exprimées via des bâches installées sur le parking des supermarchés jurassiens, et le monde politique. Au quotidien, il s’agit d’expliquer à tous ce que l’on peut, ou ne peut pas faire. "Il y a deux semaines, on sentait bouillonner notre base, alors on a défendu cette campagne de slogans au bord des routes, dans les villages. Notre section des Franches-Montagnes a mis en place ces bâches aux abords des magasins des grands distributeurs. Aujourd’hui, il y a des pressions dans certains villages pour les faire enlever, mais nos agriculteurs, avec ces mesures pacifiques, veulent tenir bon, et ça nous paraît logique. On n’est pas dans une escalade, et le message pour nos membres est simple : on est dans un système démocratique suisse qui ne permet pas au gouvernement de prendre des décisions unilatérales, du jour au lendemain, à coup de grandes déclarations. Mais cette pétition de l’USP, avec l’appui de ces démonstrations au bord des routes, doit se transformer en interventions politiques, en simplifications administratives et en revendications de prix fortes au sein des interprofessions, portées par l’ensemble de la base agricole et non pas par une seule organisation."
Un terreau fertile
AgriJura avance le chiffre de 900 exploitations agricoles installées sur le canton, pour environ 40'000 hectares de surface utile. Avec quelque 2'500 emplois équivalents plein temps, l’agriculture s’inscrit au-dessus de 7% des emplois du canton, soit plus du double de la moyenne suisse. La véhémence de la grogne y trouve certainement un terreau fertile.
Etienne Arrivé/AGIR