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« Il y a beaucoup d’espoir et de motivation, c’est beau à voir »
En donnant la parole à de jeunes agriculteurs romands, et en les laissant s’exprimer en toute liberté sur leur vie et leurs motivations, Lila Erard, journaliste pour l’hebdomadaire grand public "Terre et Nature" a séduit le jury de l’Union Suisse des Paysans (USP). Avec son podcast, "Graines d’agriculteurs", elle remporte le Prix Média 2023, dont l’objectif est de mettre en lumière des travaux journalistiques pertinents et de qualité sur le monde agricole. Un par région linguistique. Ce prix, doté d’une somme de 2'000 francs, lui a été remis le 29 novembre, lors de l’Assemblée annuelle des délégués de l’USP. Interview.
Comment est né ce podcast ?
C’est parti d’une information d’Agroscope disant que, d’ici 15 ans, la moitié des chefs d’exploitation partira à la retraite. C’est énorme ! Et, forcément, cela implique qu’il y ait une relève, une future génération… On s’est donc dit qu’il serait intéressant de savoir qui sont ces jeunes, quelles sont leurs motivations. On a choisi le format du podcast, parce que la voix, c’est ce qui permet le mieux de rentrer dans l’intime. On voulait permettre au grand public, qui n’a souvent qu’un lien lointain avec le milieu agricole, de partager au plus près la trajectoire et les motivations profondes de ces jeunes à se lancer dans l’agriculture, alors que c’est une période qui ne fait pas forcément rêver, quand on pense à la crise climatique, aux conditions de travail et à tous les autres défis, notamment ceux en lien avec l’écologie.
Vous avez la sensation que cette nouvelle génération d’agriculteurs est différente de la précédente ?
La majorité de ces jeunes a repris, ou va reprendre, un domaine familial, comme ça a été le cas pour les générations précédentes, avec leurs propres objectifs et leurs propres convictions. Mais il y a aussi de plus en plus de jeunes qui viennent d’autres horizons, et qui sont en quête de sens… les néo-agriculteurs, comme on les appelle. C’est également intéressant de voir que, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, le nombre de jeunes suivant un apprentissage dans le domaine agricole est à la hausse depuis 2015. Ils sont 3'891 à être actuellement en formation, dont 22% de femmes.
Avez-vous trouvé facilement des jeunes agriculteurs prêts à témoigner ?
Il n’y a pas eu de problèmes à ce niveau-là… En revanche, il a fallu trouver des voix qui passent bien, qui permettent d’accrocher les auditeurs. L’objectif, c’était aussi d’avoir différents profils représentatifs de la réalité actuelle. Le premier épisode, par exemple, c’est celui d’une femme qui reprend le domaine de son père. Même si les reprises par des femmes ne sont pas encore très fréquentes, cela reste un parcours assez commun de transmission au sein du monde agricole. Un autre épisode est consacré à un néo-paysan, autrement dit un citadin qui n’est pas du tout issu du milieu, et qui veut se lancer là-dedans, suite à une perte de sens dans sa formation qui n’avait rien à voir avec l’agriculture. Après, il y a également d’autres profils un peu plus singuliers… Je pense notamment à ce jeune agriculteur qui veut continuer à élever des vaches comme le faisaient ses parents, alors que sa mère est devenue antispéciste. En tout, il y aura 10 épisodes, un par mois, avec 5 femmes et 5 hommes, et le dernier sera diffusé en janvier.
Y a-t-il un point commun qui réunit ces jeunes agriculteurs ?
Je pense que c’est vraiment l’espoir de pouvoir continuer à exercer ce métier dans les meilleures conditions, de pouvoir en vivre. Ils ont tous un très fort attachement à la terre, sans être pour autant tous explicitement engagés dans l’écologie. La plupart sont également très résilients. Ils sont face à une politique agricole un peu compliquée, à un carrefour où se retrouvent de nombreux idéaux touchant à des changements globaux de société à de nombreux niveaux : alimentation, agriculture, environnement… Malgré qu’il puisse y avoir des situations difficiles, le fait d’agir, de mettre les mains dans la terre, d’être acteur de son métier et parfois de changer complètement d’orientation professionnelle, cela témoigne d’une volonté de faire changer les choses. Cela donne de l’espoir. Il y a une grande motivation. Et ça, c’est beau à voir.
Et vous, quelle est votre trajectoire, et comment en êtes-vous venue à vous intéresser au monde agricole ?
J’ai des arrière-grands-parents agriculteurs, mais j’ai plutôt grandi en ville. En ce qui concerne ma formation, j’ai fait un Master en journalisme à l’université de Neuchâtel, puis je suis passée par "La Région Nord vaudois", "20 Minutes" et "Le Temps", avant d’arriver à "Terre et Nature", il y a 5 ans. Est-ce un hasard ou un choix ? Un petit peu les deux, je dirais. Mais je me suis bien retrouvée dans les thématiques traitées par ce journal, où l’on parle d’agriculture, de nature, de développement durable, d’architecture verte… Aujourd’hui, ce sont des thématiques que l’on retrouve également dans tous les médias. Et je pense que je m’y serais de toute manière intéressée.
Propos recueillis par Pascale Bieri/AGIR
Vous pouvez écouter ces podcast gratuitement sur www.terrenature.ch/podcasts ainsi que sur les plateformes Spotify et YouTube.