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La 3e correction du Rhône, les conséquences des changements climatiques et la future Politique agricole fédérale au cœur des actions et réflexions conduites par la Chambre valaisanne d’agriculture
Quels événements ont spécialement marqué l’année agricole 2018 dans votre canton ?
Les extrêmes climatiques, caractérisés par un temps chaud et sec de mai à novembre. L’agriculture valaisanne a pu y faire face grâce aux capacités d’irrigation en plaine et sur le coteau. Il y a cependant des cultures et des prés qui ont vu leurs rendements physiques fortement chuter en raison de la sécheresse.
Certains insectes exotiques (cochenille farineuse, punaise diabolique, drosophile suzukii) trouvent en Valais - grâce à la chaleur - des conditions idéales à leur développement. Leurs prédateurs naturels n’étant pas implantés dans notre région, ces invasifs causent à nos cultures sur de vastes surfaces des dégâts importants.
Toutefois, le résultat économique de l’année agricole 2018 est très bon et figure sur le podium de ces 25 dernières années. Les volumes des vendages et des récoltes de fruits et de baies étaient bons et la qualité exceptionnelle.
Quels sont les thèmes principaux à l’agenda 2019, au niveau cantonal ?
La 3e correction du Rhône entre dans la phase de réalisation sur plusieurs tronçons entre Brigue et le Léman : la réduction de l’emprise de Rhône3 sur les terres agricoles est un sujet majeur. En lien direct, le Valais doit protéger de nouvelles zones agricoles en plaine pour atteindre le quota de surfaces d’assolement (SDA) que la Confédération lui impose de sauvegarder. A ce jour, le Valais ne remplit pas son quota de SDA.
Quelles sont les principales revendications et/ou inquiétudes des agriculteurs de votre canton?
Les agriculteurs valaisans redoutent les excès climatiques contre lesquels il est difficile de se prémunir. A noter que les producteurs de la plaine rénovent, avec l’aide de la Confédération, du canton et des communes, les installations de lutte par aspersion contre le gel qui servent aussi à arroser en cas de manque d’eau.
La lutte contre les ravageurs exotiques est un sujet d’anxiété : la recherche et la vulgarisation n’ont pas encore de solution de lutte efficace et durable à proposer.
La régulation de la population de loups est un préalable incontournable pour maintenir l’élevage en moyenne montagne et sur les alpages. Le développement incontrôlé du prédateur dissuade les éleveurs à faire paître leur bétail en altitude, mettant en péril la gestion millénaire de notre territoire par l’activité agro-pastorale.
Comment se positionne votre Chambre d’agriculture par rapport à l’actualité agricole nationale et internationale?
Au plan national, la future Politique agricole fédérale à partir de 2022 va figurer parmi les dossiers prioritaires. Dans le cadre de la consultation publique achevée début mars, la CVA s’est fixée 3 objectifs:
1. Renoncer à toute modification législative inutile ou superflue
Une modification législative entraîne des coûts d’adaptation à charge des exploitations et des cantons, donc une perte de temps, d’énergie et d’argent. Seules des modifications indispensables et générant des améliorations doivent être retenues.
L’absence de modification stabilise le cadre légal et simplifie le fonctionnement des exploitations.
2. Renforcer le pouvoir de négociation des producteurs face à leurs acheteurs en améliorant le dispositif législatif encadrant les interprofessions
Dans nos conditions de marché, les producteurs ne peuvent pas toujours négocier loyalement les conditions de prise en charge de leurs productions. En découlent souvent des prix fixés arbitrairement. La part de la valeur ajoutée qui revient aux agriculteurs est beaucoup plus faible que celle revenant respectivement à la transformation et à la distribution, au point que souvent les producteurs ne couvrent pas leurs frais de production. La collectivité doit venir au secours des agriculteurs en leur versant des paiements directs à but économique. Une solution consiste à redonner du poids à la production face aux acteurs commerciaux, en renforçant les compétences et le rôle des groupements de producteurs et des interprofessions.
3. Concrétiser une assurance-récolte pour stabiliser les revenus des exploitations agricoles face aux aléas climatiques
Le changement climatique est une réalité qui impacte durement les exploitations agricoles sans qu’elles puissent y remédier. La Suisse doit mettre en œuvre une assurance-récolte, comme l’ont fait des pays européens et les USA.
Les relations de la Suisse vis-à-vis de l’UE, en particulier l’accord-cadre, est à suivre de près. Lors de leurs entretiens avec le Conseil fédéral, les partis politiques ont posé des questions portant sur les conséquences potentielles dudit accord-cadre sur la politique agricole suisse, certains estimant qu’il pourrait interdire le versement de paiements directs. D’autre part, les velléités du Conseil fédéral de conclure avec les USA un accord de libre-échange représentent un véritable danger pour la production suisse si notre pays devait accepter de supprimer tout droit de douane sur les importations de produits agricoles et de denrées alimentaires américaines.
Quel message votre Chambre souhaite-elle particulièrement faire passer en 2019 ?
La production alimentaire reste le cœur de métier et la raison d’être de l’agriculture suisse et valaisanne. Conformément à l’article 104a de notre Constitution, plébiscité en votation populaire en septembre 2017, l’importance de cette fonction nourricière doit imprégner la législation fédérale encadrant l’agriculture.
Propos de Pierre-Yves Felley, directeur de la CVA, recueillis en mars 2019