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La Tête de moine face aux défis du climat
La Tête de moine est fabriquée au cœur des montagnes jurassiennes, depuis plus de 800 ans. Mais aujourd’hui, ce fromage d’appellation d’origine protégée (AOP) est confronté à des défis sans précédent. Le projet de recherche international MOVING - conçu pour améliorer la résilience et la durabilité des zones montagneuses en Europe face au changement climatique - s’est penché sur l’avenir de cette spécialité suisse, à l'horizon 2050.
De moins en moins d'eau
L’étude MOVING met notamment en avant une augmentation des températures dans les montagnes jurassiennes, ainsi que des changements significatifs au niveau des précipitations durant les différentes périodes de l'année. Ce qui affecte directement la production fourragère, cruciale pour l'alimentation des vaches laitières, et donc pour la production de fromage. Emilia Schmitt, docteure en environnement et chercheuse pour MOVING, relève que ces changements climatiques entraînent une raréfaction des pluies à certains moments clés, posant ainsi un défi majeur pour la production estivale. Les producteurs sont déjà conscients de ces risques et cherchent activement des solutions pour s'adapter.
"Avec moins d'eau disponible, surtout pendant l'été, nous devrons peut-être repenser quand et comment notre fromage est produit, et envisager de changer les espèces de graminées dans les prairies", souligne pour sa part Dominique Barjolle, de l’Institut de géographie et de durabilité de l'UNIL, qui se questionne depuis 20 ans sur l’avenir de la Tête de moine.
Au problème climatique s'ajoute le vieillissement de la population agricole. Et le fait que de moins en moins de jeunes sont attirés par l'élevage bovin laitier, devenu peu attractif sur le plan financier, tout en étant très astreignant. Ainsi, dans le canton du Jura, le nombre de structures produisant du lait AOP, devrait passser de 238 aujourd'hui à 180 en 2050, selon le projet MOVING.
Motiver la jeune génération
Jacques Gygax, président de l’Interprofession de la Tête de moine, reste toutefois optimiste : "Il est crucial d’anticiper et d’être conscient de ces changements. Mais avec un produit emblématique à forte valeur ajoutée, comme le nôtre, nous avons toutes les cartes en main pour surmonter ces défis."
Pour garantir l'avenir de la Tête de moine, le président appuie notamment sur l'importance de motiver la jeune génération. Dans cet objectif, la stratégie commerciale joue un rôle crucial. C'est ainsi que la filière veut augmenter la production de ce fromage dont 3'300 tonnes ont été produites l’année dernière, à 4000 tonnes. Ce qui permettra également d'avoir d'avantage d'exportations. Car la Tête de moine, qui se positionne aujourd'hui comme un produit de luxe, est très appréciée à l'étranger, où deux-tiers de la production y est vendue, explique Jacques Gygax, qui compare la spécialité fromagère à la haute horlogerie suisse. "Nous voulons vendre d'avantage, sans toucher à la valeur ajoutée, afin d'avoir un prix qui permet de rémunérer correctement tous les acteurs de la filière."
Et d'inciter de nouveaux éleveurs à rejoindre la production de la Tête de moine. Aujourd'hui, seule la moitié du lait produit dans la région part vers cette filière. La chercheuse, Dominique Barjolle pense que d'ici 25 ans, ce sera bien plus.
Pascale Bieri/AGIR