Main Content
La viande sur les étals sera désormais rose
Au même titre que les professionnels de la filière viande, le consommateur devra s’habituer à un nouveau produit désormais garant du bien-être et de la bonne santé des animaux à l’engraissement, mais dont la qualité et la tendreté ne seront nullement remis en question.
Afin de découvrir les modifications induites par cette nouvelle ordonnance, Peter Christen, responsable de la classification et des marchés à Proviande (Interprofession suisse de la filière viande), a convié aujourd’hui les médias. Au programme: visite de l’exploitation de Jean-Yves Leuenberger à Corcelles-près-Concise (VD). Puis départ pour Cheseaux-Noréaz (VD), au restaurant La Table de Mary, pour écouter le vétérinaire Mireille Meylan. Professeur à la Faculté Vetsuisse de l’Université de Berne, celle-ci a présenté les modifications de cette ordonnance sous l’angle du bien-être des animaux. La séance d’information s’est terminée par une dégustation d’amuse-bouches à base de viande de veau rosée, suivie d’un repas, le tout préparé par le chef Maryline Nozahic qui a livré quelques secrets quant à la meilleure manière d’apprêter la viande de veau.
Si la filière viande s’engage en faveur d’un engraissement respectueux des veaux, ses responsables sont conscients que cela passe par un changement d’habitudes et d’opinions, aussi bien chez les acteurs de la branche que chez les consommateurs: «Nous sommes persuadés que, de part et d’autre, les gens réagiront positivement à ce changement même si, dans l’esprit de nombreuses personnes, la qualité de la viande de veau est pour le moment encore associée à sa couleur blanche», souligne Peter Christen.
Pourquoi la viande sera-t-elle rose?
La couleur de la viande, nous explique le professeur Mireille Meylan, dépend de l’alimentation du veau. Jusqu’à ce jour, pendant toute la durée de leur engraissement, soit environ 150 jours, les veaux confinés dans une étable étaient exclusivement nourris avec du lait, des produits à base de lait et un peu de paille. Ce régime alimentaire pauvre en fer anémiait les bêtes, affaiblissait leur système immunitaire et expliquait la couleur claire de la viande considérée par le consommateur comme un met de haute qualité nutritionnelle et gustative.
Beaucoup de veaux, engraissés de cette manière au sein de l’exploitation où ils sont nés ou regroupés sur des sites spécialisés plus importants, souffraient de maladies respiratoires et digestives nécessitant des traitements aux antibiotiques plus ou moins lourds ou répétés.
La révision de l’Ordonnance sur la protection des animaux, souligne la praticienne, prévoit désormais que les veaux à l’engraissement soient traités différemment. Leur nourriture, lait et fourrage grossier, doit être suffisamment riche en fer tout en garantissant un apport en fibres brutes. Chaque bête doit avoir librement accès à l’eau et aux aliments et bénéficier d’espaces en plein air.
«La viande rougeâtre, explique Mireille Meylan, n’est donc pas un signe de moindre qualité. Au contraire, elle est riche en substances nutritives et témoigne de la bonne santé des veaux élevés dans le respect de leurs besoins.»
De nouvelles habitudes
A la tête d’une exploitation qui élève environ 200 veaux d’engraissement par an, essentiellement de la race Montbéliarde, Jean-Yves Leuenberger nourrit et détient ses bêtes depuis de nombreux mois déjà selon les nouvelles directives. Ses veaux sont nourris au lait et avec du fourrage grossier qu’il produit lui-même. Ils vivent en petits groupes selon leur âge et leurs besoins alimentaires tout en bénéficiant d’espaces extérieurs. Résultat, il a considérablement réduit ses factures de frais vétérinaires tout en confirmant que la viande rose qu’il produit est d’excellente qualité. Mais il avoue également qu’il faut «un peu de patience pour convaincre les consommateurs et instaurer chez eux de nouvelles habitudes».
Valoriser la viande de veau
Pour l’agriculture suisse en général, rappelle Peter Christen, responsable classification et marchés à Proviande, «les veaux d’engraissement remplissent une importante fonction de charnière entre la filière viande et la filière lait. La majeure partie des vaches dans notre pays étant élevées pour la production de lait, chacune d’elles doit évidemment mettre au monde un petit par an. La régulation des naissances se fait par l’engraissement des jeunes, essentiellement des mâles puisque les femelles seront généralement utilisées pour l’élevage».
Et Peter Christen de conclure qu’il est essentiel de garantir au consommateur une filière de qualité du veau suisse qui représente environ 6% cent de la consommation totale de viande dans notre pays. En sachant que chaque Suisse consomme en moyenne 3 kilos de veau par an, les quelque 260'000 bêtes abattues chaque année dans notre pays couvrent quasiment intégralement (à 90%) les besoins du marché.
AR/AGIR