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L'agriculture jurassienne active et réactive
L’été 2018 a été le 3e le plus chaud depuis 1864. De ce fait, les grandes cultures telles que céréales, betteraves ou maïs ont souffert de manière hétérogène dans le Jura tandis que les prairies et pâturages ont subi de plein fouet les effets dévastateurs de cette sécheresse avec à la clé un manque important de fourrage et souvent des stocks déjà entamés dès le mois d'août. Les répercussions de ce désastre sont à craindre jusqu'à l'été prochain, en espérant que celui-ci soit plus clément. Par contre, les récoltes de fruits et raisins ont été supérieures à une année normale, a résumé le président d’AgriJura dans son message, lors de l’assemblée générale de la Chambre d’agriculture qui a eu lieu vendredi 1er mars à Vicques. S'agit-il littéralement d'un réchauffement climatique où simplement d'une évolution cyclique, s’est demandé Nicolas Pape qui estime que «dans tous les cas, l'agriculture jurassienne doit s'attendre à une évolution instable du climat ces prochaines années et s'organiser en conséquence».
L'agriculture jurassienne à l'horizon 2030
Le président a informé aussi l’assemblée que le comité s'est penché sur la question de l'évolution de l'agriculture jurassienne à l'horizon 2030. «Sur la base également du travail de master d’Ignace Berret, nous avons défini nos objectifs et lignes de conduite d'ici 2030», a-t-il précisé. Le rapport (disponible sur www.agrijura.ch ), explique le directeur Michel Darbellay, met en évidence trois scénarios imposés à 5 exploitations, à savoir le statu quo +, un scénario écologique et un scénario libéral. Les conclusions donnent certaines pistes et invitent à poursuivre sans cesse les réflexions et les actions. Et de conclure à ce sujet que «le travail d’Ignace Berret a permis d’amener un recul objectif sur la situation et les perspectives de l’agriculture jurassienne».
La PA 22+
Au chapitre de la politique agricole PA22+, le président a salué le rejet de la vue d'ensemble du développement à moyen terme de la politique agricole. «Agrijura se félicite que le Conseil national, dans sa majorité, ait de ce fait mis en échec la vision ultralibérale qui mêlait deux objectifs difficilement conciliables en voulant à la fois une ouverture des marchés, la préservation des ressources naturelles et le développement économique des exploitations. Les deux paquets seront ainsi traités différemment. Ainsi, la PA 22+, en consultation jusqu’au 6 mars 2019, ne comprend pas de composante internationale. Mais cette consultation n’en demeure pas moins décisive pour le Jura. Notre organisation n'a pas manqué de relever et de proposer des améliorations sur certains points précis, prétéritant l'agriculture jurassienne.»
Retour sur 2018
Dans son rapport, extrêmement détaillé, le directeur Michel Darbellay, a passé en revue les nombreux aspects et dossiers de l’année écoulée. Après avoir évoqué les aléas climatiques et les conséquences financières pour certaines exploitations, notamment en Ajoie, il a informé que le Jura comptait, en 2018, 929 exploitations recensées dont 767 PER et 162 BIO. La surface moyenne se maintient autour de 40 ha depuis plusieurs années. Selon l’OFS, l’agriculture jurassienne occupe 1500 emplois à plein temps.
La production biologique progresse encore et représente 17,4% des exploitations pour 16.2% de la SAU. Le Jura se situe au-dessus de la moyenne suisse et en tête des cantons romands. La barre des 20% devrait être dépassée en 2020.
Le lait, un thème toujours extrêmement sensible
Sujette à des prix excessivement bas, la production laitière s’est maintenue avec un volume estimé à 94 millions de kg. La production de lait de fromagerie totalise 29% des quantités.
Toujours à propos de cette filière, Michel Darbellay a précisé que la sécheresse a sensiblement renchéri les coûts de production. Un facteur, a-t-il précisé, dont «l’IP lait et les acheteurs n’ont pas du tout tenu compte dans la définition des prix, se réfugiant derrière un marché international difficile et des volumes stables».
Le directeur s’est également insurgé contre les acheteurs qui «viennent répercuter sur les producteurs les manques de la loi chocolatière pour compenser les coûts élevés de la transformation en Suisse. Halte à l’arnaque! Il est temps que l’IP-lait et PSL prennent leurs responsabilités face à une production en péril malgré des quantités encore stables. Et ce n’est pas le tapis vert et ses vulgaires 2 ct qui amélioreront la situation des producteurs. Ce n’est pas parce qu’un lait durable valorise des engagements déjà effectifs que la valeur ajoutée peut être aussi dérisoire, sachant que les distributeurs ne se gêneront pas de se servir sur les prix ! La Confédération ne doit pas se substituer au marché pour payer la valeur ajoutée sur le dos des aides dont bénéficient déjà nos exploitations».
Au niveau des marchés de bétail, 4168 bovins ont été commercialisés, soit 100 de moins qu’en 2017. Les apports se maintiennent malgré cela à un niveau élevé, note le directeur.
Parmi les nombreux sujets traités, relevons encore que le nombre de réseaux écologiques portés par AgriJura et mis en œuvre par la FRI a passé de 10 à 7 entités en 2018 par la fusion de certains périmètres; 643 exploitations participent à un ou plusieurs réseaux pour un total de 3774 ha de surfaces de promotion de la biodiversité inscrits, soit 2.6% de plus que l’année précédente. L’objectif étant non plus de progresser en surfaces mais en qualité, AgriJura a testé un procédé de copie de prairies pour disposer de semences locales et ainsi favoriser la biodiversité, note le directeur.
Michel Darbellay a également rappelé que la plateforme de partage de machine FarmX, soutenue par l’OFAG et avec le concours de plusieurs partenaires, a été est lancée le 15 février et vole de ses propres ailes sous la forme d’une Sàrl constituée par AgriJura, Maschinenring, Prométerre et Seccom.
Un regard sur l’avenir
S’agissant des défis futurs pour l'agriculture jurassienne, Nicolas Pape a noté que la Chambre suivra de très près la définition de la nouvelle PA22+. Au sujet de l’initiative «Pour une eau potable propre», il a également informé que AgiJura déploiera des efforts «pour montrer notre agriculture sous son meilleur jour. Ceci passera par un engagement conséquent dans la communication mais également par des efforts sur les pratiques agricoles afin de démontrer que notre agriculture est irréprochable et qu'elle est injustement montrée du doigt». Il a par ailleurs averti qu’AgiJura restera attentive au dossier relatif à l'aménagement du territoire et à la préservation des terres agricoles.
Face aux enjeux à venir, notamment à l’approche des initiatives populaires contre les produits phytosanitaires «Pour une eau potable propre» et «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse», Michel Darbellay a insisté sur l’importance de rester actif et attentif pour «restaurer le lien de la population avec l’agriculture qui parfois se fragilise».
AGIR