Main Content
L’agroforesterie, bon pour les cultures et le paysage
En bordure d’autoroute à Gland (VD), un grand champ attire les regards. Au milieu du blé qui pousse, plusieurs rangées d’arbres distantes de 26 mètres s’élèvent, ramenant un peu de nature dans cette région qui s’est fortement densifiée au cours des dernières années. Les arbres fruitiers hautes tiges, plantés là en 2021, ont déjà bien grandi et d’ici quelques temps, lorsqu’ils auront atteint leur taille adulte, ils créeront un paysage, avec des perspectives dignes de l’avenue boisée des Champs-Elysées, tout en restant profondément ancré dans l’esprit de la région. Car les essences mises en terre, et leur alignement, correspondent à ce qu’on voyait encore au milieu du siècle dernier.
L’importance du "beau"
Cet aménagement a reçu le soutien financier du Fonds suisse pour le paysage (FSP). Et il s’inscrit dans une mouvance en plein essor: l’agroforesterie. Un concept qui fait cohabiter deux types de cultures: d’une part des arbres et/ou des buissons, d’autre part, des cultures ou de la pâture. Avec des bénéfices indéniables, puisque l'agroforesterie enrichit les sols et apporte de l'ombre, protégeant ainsi les cultures de la chaleur excessive. Elle augmente également la biodiversité et offre de nouvelles sources de revenus aux agriculteurs par la vente de fruits ou de bois.
A cela s’ajoute encore une autre facette: la valorisation du paysage. "L’utilisation polyvalente des terres agricoles a de multiples avantages, appuie Antoine Giovannini, chargé des projets romands pour le FSP. Cependant, cette nouvelle démarche agroforestière peut aussi provoquer la monotonie et donner l’impression d’un corps étranger dans le paysage. Notre objectif est de favoriser la création de systèmes qui soient beaux et engageants. Pour ça, on doit s’inspirer des formes de paysages traditionnelles, ancrées au niveau régional. Avec un choix panaché d’espèces, de variétés, de silhouettes et hauteurs de végétaux."
Fonctionnel avant tout
L’esthétisme est loin d’être un critère annexe pour Antoine Giovannini. "Aujourd’hui, il est souvent demandé de quantifier. Mais quand on parle de paysage, de beauté - dont l’appréciation est subjective – il est difficile de savoir exactement ce que cela apporte en termes de bien-être, de bonheur ou de sentiment d'appartenance à la région. Et quel impact le bien-être peut apporter en termes d’économie." A défaut de chiffres, des réponses s’incarnent dans certains retours, tel celui de cet agriculteur qui confiait au chargé de projet. "Depuis qu’il y a des chênes sur mon terrain, j’ai du plaisir à aller travailler, car je vois des oiseaux."
Si les projets qui reçoivent le soutien du Fonds suisse pour le paysage répondent à des critères de "beauté", ils doivent avant tout rester des outils de travail : "On veut des systèmes qui soient productifs. Le but n’est pas, par exemple, de transformer les champs en forêts", explique Yves Bischofberger, responsable du réseau écologique de sa région, qui accompagne les agriculteurs de la région de Gland et de Nyon, dans l’élaboration et la mise en place de projets d’agroforesterie. "Il est également fondamental que les arbres n’entravent pas le travail des agriculteurs, raison pour laquelle ils sont plantés au millimètre près, à l’aide d’un GPS, afin que les machines puissent passer sans problème dans les cultures."
Aussi des essences nobles
Il faut également que ces projets aient un but. Ils doivent s’inscrire dans un objectif bien défini, qui amène une réelle une plus-value, en termes d’exploitation pour l’agriculteur, comme l’apport de fruits. Ainsi Bastien Wahlen, agriculteur à Gland, a choisi de planter une grande variété de fruitiers, alors qu’à quelques kilomètres de là, Alain Bersier a, lui, choisi de planter exclusivement des variétés de pommiers destinés à la production de cidre.
Il faut également que ces projets s’imbriquent bien avec les besoins et les ressources de l’exploitation : le choix du système agroforestier (type d’arbres, essences, distances) doit être cohérent avec les objectifs pour avoir une réelle une plus-value. Planter des arbres fruitiers ? Oui, si l’on peut les valoriser. Ainsi, Bastien Wahlen, agriculteur à Gland, a choisi une grande variété pour une diversification des produits, alors qu’à quelques kilomètres de là, Alain Bersier a choisi de se restreindre à des variétés de pommiers adaptés à la production de cidre.
Mais il n’y a pas que des arbres fruitiers qui s’installent au milieu des champs. A Signy-Avenex, près de Nyon, Robin Baumgartner a décidé de faire cohabiter ses cultures avec des essences nobles, destinées à la menuiserie, tels que des noyers, des merisiers ou encore des érables. "Le bois, c’est une passion pour moi", confie-t-il. "En plus, si les températures continuent d’augmenter ces prochaines années, comme cela semble être le cas, nous serons heureux que nos champs aient de l’ombre."
Pascale Bieri/AGIR