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Le marché du cidre suisse se porte bien
Michel et Fabien Desbaillet possèdent 20 hectares de vignes et 7 hectares de cultures fruitières à Russin dans le canton de Genève. Responsables du Domaine des Molards, un domaine familial historique créé en 1352, les viticulteurs ont récemment décidé de se lancer dans le cidre. “Avec le jus de pommes, il s’agit d’un bon moyen de valoriser les pommes de table que les consommateurs ne veulent pas manger, et c'est un produit complémentaire au vin”, justifient-ils.
Le succès n’a pas tardé, avec notamment l’obtention de la médaille d’argent du concours 2017-2018 du meilleur cidre suisse organisé par la faîtière Fruit-Union Suisse. Les ventes restent encore, pour l’heure, confidentielles. “Nous venons de nous lancer, expliquent les producteurs. Mais les ventes augmentent au fur et à mesure que les gens apprennent l’existence de notre cidre. Toutefois, la concurrence avec les cidres étrangers est très marquée, du fait du prix très bas des produits importés.” Ces derniers profitent en effet d’un coût de production plus bas, ce qui les rend très concurrentiels sur le marché suisse.
Regain d’intérêt
La Brasserie Docteur Gab’s a également fait le pas en lançant son cidre Crafty il y a deux ans. Elle a vendu 30’000 litres en 2017 et a doublé ce chiffre en 2018. “Nous avons toujours été également intéressés par le cidre, explique le co-directeur Reto Engler. Nous avons remarqué, depuis quelques années, un regain d'intérêt pour les cidres artisanaux, essentiellement dans les pays anglo-saxons, et nous voulions être précurseurs sur le marché suisse.” Docteur Gab’s a ainsi créé une nouvelle société, Cidre Rusé SA et développé son propre cidre courant 2016 pour le lancer sur le marché en 2017.
L’entreprise vaudoise se fournit avec des pommes exclusivement vaudoises et valaisannes. Selon le responsable, le cidre est un marché porteur car c'est une boisson alcoolisée complémentaire à la bière, tant au niveau des moments de consommation que du type de consommateurs. “Par rapport à la bière, il est plus léger, plus doux, moins calorique et sans gluten”, ajoute-t-il.
Milliers de tonnes de pommes suisses
Autre grand acteur du marché suisse, Ramseier n’a pas souhaité révéler ses chiffres de vente. Le fabricant de boisson basé dans le canton de Lucerne répond toutefois que “les chiffres sont en légère augmentation, en particulier pour le cidre sans alcool”. Ramseier annonce utiliser entre 40’000 à 70’000 tonnes de pommes suisses par an.
Le cidre semble donc un marché porteur, notamment face à une baisse de consommation du vin. La sécheresse de 2018 a d’ailleurs impacté indirectement la production suisse. De nombreuses pommes étant trop petites et ainsi invendables, elles ont été utilisées pour fabriquer du jus de pomme fermenté. Cela représente environ 130'000 tonnes de pommes, soit trois fois plus qu'en 2017. Mais pour fabriquer un cidre de qualité, les experts estiment qu’il faut cultiver des variétés de pommes spécifiquement adaptées à la fabrication du cidre, plus petites et avec plus de tanins que celles dites “de table”.
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Buvez du cidre, sauvez les oiseaux !
Le développement de l’offre de cidre en Suisse pourrait avoir un impact positif sur la nature. Pour des boissons de qualité, il est en effet nécessaire de se fournir en pommes et poires spécifiques, adaptées, qui proviennent généralement de fruitiers à haute tige, des arbres dans lesquels se nichent occasionnellement ou régulièrement 35 espèces d’oiseaux, dont 10 espèces typiques des vergers, explique BirdLife sur son site internet. Or, si la Suisse comptait près de 15 millions de ces arbres dans les années 50, ce nombre a fortement diminué pour atteindre environ 2 millions de nos jours, notamment pour augmenter le rendement agricole mais aussi du fait de l'expansion du bâti.
Les associations de protection de la nature et les producteurs de cidre de qualité ont donc tout intérêt à collaborer pour que les vergers haute tige se développent à nouveau. La Cidrerie de Grosse Pierre en est un bon exemple. Elle a créé, en 2002, un verger conservatoire, avec les conseils de l'Arboretum d'Aubonne (VD). Au final, une centaine d’arbres haute tige, des pommiers, poiriers, pruniers, pruneautiers, ou encore cerisiers peuplent le verger. Ces arbres sont nécessaires « à l'équilibre de la faune locale, notamment lorsque, arrivés sur l'âge, ils offrent de nombreuses cavités utilisées par la Huppe, le Torcol ou encore le Rougequeue à front blanc, toutes des espèces d'oiseaux fortement menacées», expliquent les producteurs. La Cidrerie de Grosse a d’ailleurs nommé ses différentes cuvées du nom de ces oiseaux.