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«Le prix des poussines va grimper l’année prochaine»
15’800 poules pondeuses, c'est beaucoup pour une exploitation suisse?
C’est un nombre conséquent. La loi suisse pour la protection des animaux a limité le nombre de poules pondeuses à 18’000 par exploitation et à 27’000 dans le cas des poulets de chair. Une exploitation professionnelle possède entre 6000 à 8000 poules pondeuses en moyenne.
Comment vivez-vous la hausse des prix de l’énergie?
L’augmentation des coûts de l’énergie s’ajoute à la flambée des prix des aliments de 30 à 40%, ces derniers mois. Pour une entreprise, une hausse des charges n’est jamais positive. On a diminué les investissements prévus cette année pour rentrer dans nos frais. En tant qu’agriculteur, on est habitué à affronter les défis au quotidien, alors on prend les choses les unes après les autres.
Comment se présente l’année 2023 pour vous?
Moi, j'achète mes poussines prêtes à pondre. L’élevage comporte plusieurs étapes. Les poussines qui grandissent pour devenir des poules pondeuses vivent dans des espaces chauffés entre 30°C et 35°C durant leurs premières semaines de vie. Cette étape est très gourmande en énergie, donc très coûteuse. Il est certain que la hausse des coûts des carburants et du gaz se répercutera sur le prix des poussines l’année prochaine.
Allez-vous réduire votre cheptel?
Non. Quand bien même on réduirait le cheptel de moitié, la consommation d’énergie de notre bâtiment serait quasiment identique. On ferait peut-être des économies sur l’alimentation, mais ces dernières ne suffiraient pas pour compenser la baisse de revenus.
La grande distribution achètera-t-elle vos oeufs à un meilleur prix en 2023?
Elle n’aura pas le choix, à un moment donné. La branche a déjà été fortement fragilisée par la grippe aviaire dans toute l’Europe. De nombreux poulaillers sont vides en Europe à cause de la hausse des prix des intrants. La grande distribution aura intérêt à collaborer avec nous, comme nous l'avons toujours fait, afin qu’on puisse couvrir nos coûts de production en hausses, maintenir notre production indigène et garantir notre sécurité alimentaire.
Etes-vous prêt en cas de coupures d’électricité?
Oui. J’ai un générateur de secours depuis plusieurs années. Je l’ai fait réviser récemment. Il est en parfait état en cas de besoin. En ce qui concerne nos vaches, on peut se permettre, exceptionnellement, de décaler les traites de quelques heures, en revanche, on ne peut pas tolérer un arrêt de la ventilation du poulailler ne serait-ce qu’une heure.
La population est priée d’économiser l'énergie. Qu'en est-il de votre côté?
On n'a pas attendu la crise énergétique, on réfléchit sur cette question depuis des années. Déjà, on utilise des panneaux solaires depuis près de huit ans pour augmenter notre autosuffisance en énergie. Ensuite, on économise de l’énergie en adoptant une méthode de refroidissement du lait qui ne se pratiquait que très peu à l’époque. Au moment de la traite, le lait est à 30-35°C. Au lieu de le refroidir directement à la température de stockage (4°C), via un groupe de refroidissement électrique, on utilise notre source d’eau privée. Elle nous permet, à l’aide d’un échangeur thermique, de pré-refroidir le lait à 10-12°C. Enfin, du côté des travaux du sol, on utilise des tracteurs plus performants et des méthodes dites «simplifiées» (semis direct ou sous litière) afin de réduire notre consommation de carburant. On a aussi des machines plus grandes et plus performantes qui nous permettent de baisser notre consommation à l’hectare.
Cette crise énergétique, vous fait-elle réfléchir sur l’avenir?
Elle soulève la question des énergies renouvelables. J’espère que le solaire se développera davantage. La prochaine étape pour nous serait de pouvoir stocker l’énergie produite la journée, via une batterie, au lieu de la renvoyer vers le réseau, afin de pouvoir la réutiliser pour la ventilation du poulailler la nuit, par exemple. Pour l'heure, il n'y a pas vraiment de solutions viables et rentables, mais j’espère que ce sera le cas dans un avenir proche.
Kalina Anguelova/AGIR
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Suite de la série:
(1/4) La hausse du prix du gaz fait des ravages chez un maraicher genevois
(2/4) Des maraîchers devront abandonner les serres au profit de cultures en champs
(4/4) Baisse de l'exportation de fromage en 2022