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Le riz suisse cartonne
Troisième récolte de riz, au pied du Mont-Vully, le long du canal de la Broye ! Et Léandre Guillod est soulagé du résultat… Car l’angoisse a été grande pour cet exploitant fribourgeois de ne pas voir ses 1,8 hectares de céréales, qui poussent les pieds dans l’eau dans un paysage aux airs asiatique, arriver à maturité. « Le rendement est d’environ 30% inférieur à l’année dernière, mais vu l’été qu’on a eu, c’est pas mal ! Et c’est aussi encourageant pour l’avenir», dit-il. A tel point que le jeune maraicher et son frère Maxime étendront leur surface de production, l’année prochaine.
C’est en 2019, dans le cadre d’un projet d’Agroscope - le centre de compétence de la Confédération dans le domaine de la recherche agronomique et agroalimentaire - , que Léandre et Maxime Guillod ont pris la décision de se lancer dans cette production exotique : le riz en milieu humide, comme en Asie. L’objectif étant de revaloriser les zones humides et de favoriser la biodiversité, tout en amenant en Suisse une culture pour « demain », adaptée au réchauffement climatique.
Un vrai challenge
« Techniquement, c’était un sacré challenge, car on n’avait aucune expérience dans cette culture en Suisse », explique Léandre Guillod, ingénieur agronome de formation, en poursuivant : « On apprend au fur à mesure. Aujourd’hui on sait que si l’on veut de la qualité, il ne suffit pas de semer – comme on l’a fait la première année - il faut planter. C’est davantage de travail, mais on final on s’y retrouve, car il y a moins de désherbage. »
La culture du riz est classée dans les grandes cultures, « mais on y apporte beaucoup de valeur ajoutée », souligne Léandre Guillod. Avec son frère, il est spécialiste en systèmes de nivelage de précision pour l’agriculture. Les deux jeunes gens étaient donc bien placés pour se lancer dans cette culture encore inédite en Suisse. Elle nécessite en effet un sol parfaitement régulier, afin de pouvoir inonder l’entier de la parcelle avec 10 cm d’eau. » A cela s’ajoute, en plus, un facteur non maitrisable, la température de l’eau. Pour le bien-être du riz, elle devrait s’élever à 20 degrés au minimum. Ce qui n’a pas toujours été le cas durant cet été.
Réussite pour la biodiversité
L’impact sur la biodiversité est également une réussite. Les zones humides recréées au bord du canal de la Broye ont vu l’apparition d’une vingtaine d’espèces de libellules dont certaines menacées, ainsi que de nombreuses grenouilles.
Quant au riz cultivé, il s’agit du "Loto", une variété précoce qui permet d'être récoltée avant la chute des températures. Et, côté goût, qu’en est-il ? « Vous ne connaissez pas la saveur du terroir du Vully », plaisante Léandre Guillod, en ajoutant : « On travaille nous-mêmes le riz, on le poli… Nous faisons du riz semi-complet, ce qui lui donne du goût, tout en le rendant facile à cuisiner en risotto. » La fraicheur du produit local amène également une saveur introuvable dans le riz importé, qui est souvent stocké plusieurs années.
Chez les Guillod, on s’occupe de tout ; de l’ensemencement de la graine jusqu’au raffinement du riz, en passant par la culture, le désherbage, le séchage et même le packaging. Quant à la vente, elle s'effectue dans la foulée de la récolte. Les six tonnes de l'année dernière se sont arrachées en une semaine. Quant au crû 2021, il a disparu en un l'espace d'un éclair. Une première moitié de la récolte a été vendue le 4 décembre sur l'exploitation. La seconde, en ligne, en moins d’une demi-journée.
Pascale Bieri/AGIR