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Le riz suisse, un pari doublement gagnant
Le riz se porte bien en Suisse. Dans le Vully (VD), un premier essai lancé en 2019 dans le cadre d’un projet pilote avec Agroscope, sur une surface de 0,3 hectare, s’est transformé en une culture qui s’étend aujourd’hui sur 11 hectares et deux sites, dont 6 hectares dans le Vully. « Depuis l’année dernière, nous avons également pu nous développer en parallèle sur un second site qui se trouve à Aarberg (BE)», explique Léandre Guillod, qui dirige l’entreprise avec son frère, Maxime.
Leur toute première récolte s’était chiffrée à 800 kilos, avec la culture d’un riz plutôt polyvalent, le Loto. Depuis, les résultats ont explosé. En 2023, la récolte a atteint 30 tonnes, avec, en prime, de nouvelles variétés : du riz japonais, du riz noir, du riz jasmin et du riz à risotto. Et tout s'est écoulé en 7 mois, uniquement en vente directe et en passant par de petits revendeurs. Pour cette année, Léandre et Maxime prévoient une quantité similaire de riz, et tout devrait être vendu avant l’été prochain.
Un développement prometteur
La culture de riz reste cependant marginale en Suisse. Le Tessin en cultive une centaine d'hectares, et les deux frères Guillod sont aujourd'hui les plus importants producteurs au nord des Alpes. Toutefois, les rizières pourraient se multiplier dans les prochaines années, car le réchauffement climatique favorise cette culture. Elle profite, en prime, à la biodiversité en milieu humide, dont les habitats ont fortement diminué au cours des dernières décennies, notamment dans les surfaces agricoles.
Dans les parcelles inondées du Vully, où les plants de riz baignent dans l’eau jusqu’au moment de la récolte, le retour et le développement de cette biodiversité sont une réalité. Lors du dernier recensement d'Agroscope, en 2023, une vingtaine d’espèces de libellules ont été répertoriées, dont une figurant sur la liste rouge des espèces menacées.
Un refuge pour la biodiversité
Et tout est bien visible. Quand on longe les différentes parcelles de la rizière du Vully, située au bord du canal de la Broye, qui relie les lacs de Morat et de Neuchâtel, on traverse des nuages de libellules - bleues, vertes, rouges ou encore dorées - qui virevoltent comme des elfes. Au sol, de petites grenouilles vertes, nées cette année, sautent dans l’eau au rythme de nos pas. On peut également observer des tritons alpestres, et il semblerait que des rainettes vertes soient sur le point de s’installer également sur le site. « Nous avons planté des arbustes qu’elles apprécient, en bordure de rizière, pour favoriser leur venue », explique encore Léandre Guillod.
Par ailleurs, ce printemps, des vanneaux huppés, une autre espèce menacée d’extinction, ont également profité de la rizière. Quatre nids de cet oiseau des champs ont été découverts, et une quinzaine de petits ont éclos.
Un modèle agricole durable
Afin de favoriser cette biodiversité, Léandre et Maxime Guillod ont fait le choix de ne pas utiliser de produit phytosanitaire, ce qui implique notamment de tout désherber à la main. Le rendement de la culture reste cependant une priorité. « Notre objectif est de pouvoir faire vivre correctement nos deux familles, en trouvant un équilibre qui nous permette de nous concentrer sur la vente directe, sans passer par la grande distribution, car nous souhaitons conserver une liberté totale. Aujourd’hui, nous faisons tout, avec mon frère et nos épouses respectives, depuis les semis jusqu’à la récolte, en passant par le packaging et la vente. L’aspect économique et la biodiversité sont liés. Si nous devions arrêter cette culture par manque de rentabilité, ce serait aussi une perte pour la biodiversité. »
Pascale Bieri/AGIR