Main Content
L’Ecole à la ferme peine à progresser...
Pour l’Association romande L’Ecole à la ferme, l’année 2011 est à marquer d’une pierre blanche. Jamais, depuis sa création en 2004, elle n’avait enregistré de tels résultats: 38 familles paysannes ont ainsi accueilli sur leur exploitation 518 classes soit 9568 élèves. « Ces chiffres nous réjouissent, 2011 a été une très bonne année. C’est important que les enfants puissent découvrir nos fermes, nos animaux et d’où provient leur nourriture », confie Nicole Dumauthioz, présidente de l’association.
Mais victime de son propre succès, L’Ecole à la ferme doit faire face à un défi de taille. En raison de la demande croissante des enseignants, elle doit chercher de nouveaux membres afin d’augmenter sa présence dans chaque canton. Problème, elle peine déjà à indemniser – et non pas rémunérer – les prestataires actifs.
Une prestation, un coût
Véritable fourmi de l’association, chaque coordinatrice a pour mission de collecter des fonds pour financer le programme à l’échelle de son canton. « Les parents des élèves et de nombreux enseignants ont tendance à penser que la visite est offerte mais ce n’est pas le cas », souligne Alexandra Läderach, responsable EàF Fribourg.
« Les parents des élèves et de nombreux enseignants pensent
que la prestation est offerte »
L’investissement que chaque famille paysanne consacre à l’accueil d’une classe durant une journée est estimé à environ 500 francs. Une contribution de 10 francs par élève et par jour est versée aux prestataires soit environ 200 francs mais les 300 restant sont à la charge des coordinatrices EàF. Et à l’heure actuelle, elles ne trouvent pas toutes les fonds nécessaires à l’indemnisation de leurs prestataires. Pour pallier ces problèmes de financement, une caisse de compensation a été créée par l’association. Caisse qu’il faut également alimenter chaque année: « Nous avons eu peur de terminer l’année 2011 dans les chiffres rouges, mais grâce à un soutien de dernière minute de 10’000 francs de la Migros, nous avons pu clore nos comptes sans catastrophe », souligne Nicole Dumauthioz.
Qui paie ?
« Dans les cantons, les milieux agricoles nous soutiennent mais pas suffisamment pour se passer d’autres sources de financement », explique la présidente de l’association. « Nous nous sommes donc logiquement tournés vers les principaux intéressés, les milieux de l’enseignement. Mais il est très difficile de trouver les bons contacts dans les services de l’instruction publique ce qui complique la recherche de fonds ».
« Il est très difficile d’obtenir un soutien des milieux de l’enseignement »
Quant au secteur privé: « Il est plus facile d’obtenir un soutien auprès des entreprises régionales lors de l’organisation de manifestations spéciales comme la Journée annuelle Ecole à la ferme durant laquelle nous pouvons compter sur la présence des médias. Mais trouver un soutien financier régulier pour l’accueil des classes est plus difficile », commente Nicole Dumauthioz.
Disparités cantonales
Pour Alexandra Läderach, coordinatrice fribourgeoise et prestataire, la situation est délicate: « Qu’il s’agisse des milieux de l’enseignement ou agricoles, tous s’accordent pour dire que c’est à l’autre de payer… L’Union des paysans fribourgeois (UPF) et l’Association des agriculteurs AFAPI ont heureusement fait le premier pas en nous soutenant à hauteur de 3’000 francs, mais nous devons encore trouver près de 7’000 francs pour nos prestataires car nous ne pourrons pas compter encore longtemps sur la caisse de compensation ».
Pauline Gigandet, responsable pour le Jura et le Jura bernois, est elle aussi soucieuse: « Une fondation régionale nous a garanti une aide financière jusqu’en 2012. Pour la suite, même si elle souhaite rester partenaire, nous serons dans l’obligation de trouver d’autres bailleurs de fonds pour atteindre les 5’000 francs nécessaires à notre fonctionnement ».
A Neuchâtel, malgré le cumul des aides provenant du Service de l’économie agricole, du Service de l’enseignement obligatoire, des communes et des associations professionnelles, totalisant un peu plus de 30’000 francs, la coordinatrice Madeleine Murenzi ne peut que « maintenir les prestations à leur niveau actuel et ce d’autant plus que les sponsors privés ont tendance à diminuer ».
« Maintenir les prestations à leur niveau actuel… »
Pour le coordinateur valaisan Pascal Tornay, le problème est simple: « Nous sommes couverts par le Service de l’agriculture. Tant que le nombre de visites reste à son niveau actuel, il n’y a pas de problème. Mais si les demandes des classes ou le nombre de prestataires augmentent, je serais obligé de trouver de nouvelles pistes de financement ».
Grâce à Prométerre, les prestataires vaudois ont vu leur activité reconnue par la Loi sur l’agriculture vaudoise de 2010 (LVLAgr). «Désormais nous pouvons bénéficier d’une partie de l’enveloppe destinée à la promotion de l’agriculture vaudoise. Rémunérés au prorata des actions menées, nous avons ainsi reçu plus de 30’000 francs en 2011 », souligne Andréa Bory, responsable vaudoise. « Complété par le soutien d’une quarantaine de communes vaudoises, ce montant nous permet désormais d’envisager l’avenir sereinement et de développer notre potentiel d’accueil. »
Quant à Genève, Marlène Favre explique: « Nous avons réussi à obtenir le soutien financier de l’Office de promotion des produits agricoles de Genève (OPAGE) et celui des communes des prestataires. A l’heure actuelle, avec près de 60’000 francs d’aide, les finances suivent ; cependant, nous continuons chaque année à faire des recherches de fonds et à sensibiliser les écoles privées ».
Croissance en berne
Si la situation semble évoluer positivement dans certains cantons, il n’en demeure pas moins que les responsables cantonales rencontrent de grandes difficultés à pouvoir tabler sur des soutiens financiers stables. Dès lors, plus d’une hésitent à rechercher de nouveaux prestataires. Pourtant cette démarche est nécessaire si ce n’est pour augmenter leur nombre, au moins pour remplacer les départs.
« Nous avons encore du pain sur la planche
pour nous faire connaître et reconnaître »
« Actuellement, l’absence d’une reconnaissance du projet «L’Ecole à la ferme», en particulier de la part des services de l’instruction publique, amène un sentiment général de déception », souligne la présidente de l’association Nicole Dumauthioz. Et de conclure: « Je pense que L’Ecole à la ferme a encore du pain sur la planche pour se faire connaître et reconnaître. Même si cette recherche d’argent perpétuelle nous déprime parfois, nous ne baissons pas les bras ».
Vincent Bailly
En visite chez Alexandra Läderach à la ferme des Biolles (FR) :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=Nkg5K_t-dtU[/youtube]