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Les agriculteurs retrouvent le goût de produire du sucre
Frédéric Bachmann est « plus que ravi » ! C’est lui qui le dit. En 2022, ce jeune agriculteur d’Estavayer-le-Lac (FR), passionné par la betterave sucrière, a fait une récolte qui a dépassé toutes ses espérances. « En voyant la taille de mes betteraves, lors de l’arrachage, et la grandeur des tas qui s’amoncelaient (voir vidéo), j’imaginais bien que le bilan serait bon. J’avais estimé mon tonnage à 110-115 tonnes par hectare sur ma meilleure parcelle et j’aurais déjà été enchanté. » Mais il a fait encore mieux.
Après la livraison de sa culture à la Sucrerie d’Aarberg (BE) - une des deux usines suisses avec celle de Frauenfeld (TG) qui transforment les betteraves en sucre - Frédéric Bachmann apprend que son rendement est en réalité de 125 t/h pour son meilleur champ. Avec une moyenne de 100 t/h pour l’ensemble de sa production.
Tonnage satisfaisant en Suisse
Le bilan est d’autant plus réjouissant que les betteraviers sont dans la tourmente depuis plusieurs années. Le retour de maladies telles que le syndrome des basses richesses (sbr) et la jaunisse virale, consécutives notamment à l’interdiction du gaucho (un traitement à base de néonicotinoïdes), a fait chuter leur rendement. Le tonnage qui tournait, en moyenne suisse, aux environs de 100 t/h s’est effondré jusqu’à 64 t/h. en 2016. Deux fois moins que le tonnage sur la bonne parcelle de Frédéric Bachmann, en 2022 !
Mais aujourd’hui, Josef Meyer, président de la Fédération suisse des betteraviers, est optimiste. « La recherche nous a permis d’obtenir des nouvelles espèces qui résistent bien aux maladies », se réjouit-il. En 2022, le rendement au niveau du tonnage est assez bon, avec 86 t/h en moyenne suisse. Soit 20 tonnes de plus par hectare que l’année précédente. »
Faible taux de sucre
En revanche le taux de sucre n’était pas au rendez-vous, en 2022. « J’espérais arriver à 16%, mais le pourcentage de sucre sur l’ensemble de ma culture est de 15,5% », confie Frédéric Bachmann, en ajoutant : « Vu que le tonnage était important, le résultat reste très intéressant. »
La moyenne suisse est à peu près identique, avec un taux de sucre de 15,1%. « Ce n’est pas génial, puisque les betteraves peuvent avoir jusqu’à 20% de sucre, reconnait Josef Meyer, en soulignant également que le tonnage récolté l’année dernière compense ce déficit en sucre.» Par ailleurs, à l’avenir, il est convaincu que la recherche permettra d’obtenir des espèces à la fois résistantes aux maladies et avec un taux de sucre satisfaisant. » Tout en sachant qu’une récolte reste tributaire de la météo et qu’il faudra, ces prochaines années, faire face à des variations climatiques de plus en plus extrêmes.
Surfaces cultivées en hausse
Autre satisfaction pour le président des betteraviers : un revirement au niveau des surfaces de cultures consacrées à cette racine. Elles étaient en chute libre depuis 2015, passant de 21'000 hectares à 16'000 hectares en 2022. « Cette année, les surfaces augmentent à nouveau, dit-il. Maintenant, l’objectif est de retrouver un seuil de 20'000 hectares pour permettre aux sucreries d’Aarberg et de Frauenfeld de tourner à plein volume, sans devoir importer des betteraves étrangères comme elles le font actuellement. » Et, dans la foulée, de pouvoir ré-augmenter la production de sucre indigène.
La betterave redevient donc attractive, en raison de ces nouvelles variétés plus résistantes qui voient le jour, mais surtout grâce à une revalorisation de son prix d’achat. Après avoir longtemps chuté, à cause d’une saturation du marché du sucre au niveau mondial, le prix versé aux betteraviers a augmenté de 5 fr/t l’année dernière pour atteindre 50 fr/t. Les prix versés aux producteurs vont encore progresser de 8 fr/t cette année, car la demande en sucre est désormais supérieure à la demande, en dépit de la tendance à réduire sa teneur dans les aliments.
Le bio progresse fortement
Quant à la betterave bio, elle suit également une progression spectaculaire. Les surfaces cultivées de cette manière sont passées, en l’espace de quelques ’années, de 7-8 hectares à 200 hectares. L’objectif de Josef Meyer étant d’arriver à 500 hectares d’ici à 5 ans.
Pascale Bieri/AGIR