Main Content
L’Huilerie de Sévery à la rescousse d’un patrimoine génétique
href="file:///C:DOCUME~1wlaagi00LOCALS~1Tempmsohtml1�1clip_filelist.xmlL’idée de l’IGP est partie d’un constat inquiétant: des 70
huileries qui existaient au milieu du 19e siècle, il en restait une
bonne trentaine après la dernière guerre mondiale et, aujourd’hui, on peut tout
juste les compter sur les doigts d’une main. «Nous sommes la dernière huilerie
artisanale du pays à fonctionner toute l’année», fait remarquer Jean-Luc Bovey.
Des 80 tonnes de cerneaux de noix qui sont transformés
artisanalement en huile en Suisse chaque année, deux tiers sont pressés ici.
Ainsi, les meuniers-huileurs de Sévery voient défiler toutes sortes de variétés
de noix (entre 20 et 25 cultivars). Que reste-t-il des diverses sortes de
noyers plantés en 1956 après le fameux gel qui avait dévasté les noyeraies?
Jean-Luc Bovey s’inquiète d’un progressif abandon des arbres. En effet, bien
des noyers ne sont plus entretenus, ni récoltés, ni renouvelés. L’idée est de
revaloriser le noble fruit oléagineux dans le sens le plus littéral du mot:
« en offrant 12 francs par kilo de cerneaux au lieu de 9 francs».
Mise en place d’une
interprofession
Après deux ans de cogitations, le tenant de la 6egénération des meuniers de Sévery s’attaque sérieusement à la mise en place du
projet d’IGP. Un groupe de travail (5 membres et 5 dicastères) se constitue
pour examiner tous les éléments nécessaires à l’élaboration d’un cahier des
charges: transformation, culture, histoire et commercialisation, aspects
juridiques et politiques, réseaux. Du côté des variétés, on a pu presser une
demi-douzaine de sortes de noix séparément. Mais…«à la dégustation il est quasi
impossible de les différencier», avoue le meunier. Outre les classiques noix de
Grenoble que sont franquette, mayette et parisienne, on peut espérer retrouver
des cultivars indigènes comme uster, nyffenegger, rainuss kläusler, wirz ou
würm. Impossible de prévoir déjà les heureuses élues à l’IGP et leur périmètre
géographique.
Ramasser, sécher,
casser, trier, broyer, torréfier, presser
Sous le vocable de noix se retrouvent trois catégories
commerciales: la noix fraîche, la noix sèche en coque et le cerneau sec,
c’est-à-dire la partie consommable de la noix. Seule cette dernière intéresse l’huilerie
artisanale. Mûres entre mi-septembre et mi-octobre selon les variétés et les
régions, les noix sont ramassées plusieurs fois par semaine pour éviter une
infestation par les champignons. Elles sont ensuite lavées puis séchées par une
ventilation tiède qui leur fait perdre un tiers, voire la moitié de leur poids.
La cassée de noix s’effectue à la main, durant tout l’hiver. C’est parfois
l’occasion d’une activité communautaire avec animations diverses, comme lors de
la « Fête à la noix » qui a eu lieu la semaine passée. Avant le
pressage, les cerneaux sont broyés et torréfiés, opération consistant à
chauffer le broyat à 80°C
pour densifier les arômes.
Défense d’un fruit de
haute valeur
La vague écologique aidant, les noyers connaissent leur
retour en force dans certaines régions. Leur belle intégration dans le paysage
et leur culture sans pesticides, avec à la clé du bois de qualité et des
récoltes polyvalentes, en font des plantes d’avenir. Sans parler de leur
richesse en acides gras poly-insaturés (acides linoléique et linolénique
surtout) fort recherchés, ainsi qu’une kyrielle d’oligo-éléments, de sels
minéraux et de vitamines qui complètent les huit acides aminés présents. Une
impressionnante palette diététique et aromatique avec un écobilan bien meilleur
que le soja américain ou le cajou brésilien !
ENCADRÉ
Vicissitudes d’un
arbre
Introduit au Nord des Alpes par les Romains, le noyer fait
partie de notre patrimoine culturel. Vu sa polyvalence – intérêt pour ses
fruits (huile, colorants, action antianémique, médicaments…), son bois, ses
vertus curatives, antiparasitaires, et antimicrobiennes et son ombre – le noyer
a connu ses heures de gloire; dont cette année 2008, le noyer ayant été élu
arbre de l’année (voir le site allemand www.baum-des-jahres.de).
Après une constante diminution d’effectifs depuis le milieu du 19esiècle, il semble que le creux de la vague ait été récemment dépassé. Un
intérêt pour cet arbre apparaît depuis quelques années. En témoignent notamment
de nouvelles plantations et surtout un projet soutenu par l’Office fédéral de
l’agriculture via le programme «Actions Plantes» (Projet d’action nationale
02-31 sur lequel ont planché la
Commission pour la protection des plantes cultivées,
l’association Fructus et l’Ecole d’ingénieurs de Changins).
Un inventaire des noyers a été réalisé sous la houlette du
biologiste Fabricio Manco dans le but de créer un verger conservatoire. Deux
mille arbres ont été observés, dont le dixième a été décrit; une soixantaine de
variétés ont été choisies pour la collection, certaines à feuilles laciniées,
d’autres à la pourpre frondaison, voire à la fructification en grappe.
« La floraison tardive et les curiosités de feuillage ou de forme de noix
ont retenu notre attention », précise le professeur Manco. «La diversité
des noyers est considérable. Les fleurs mâles et femelles d’un même arbre ne
fleurissant pas simultanément, la fécondation croisée (effectuée par le vent)
est obligatoire», explique Roger Corbaz qui s’est impliqué sans compter dans le
projet avec l’association Fructus. Conséquence de cette sexualité tous azimuts:
un ingérable brassage génétique! Et comme le greffage est toujours assez
difficile avec les noyers, les paysans ont préféré la multiplication par le
semis, favorisant l’anarchie variétale. Les critères définissant une bonne noix
se déclinent ainsi: taille (30 à 35
mm), coque (claire, propre, fine, lisse, facile à casser
malgré une suture qui ne laisse pas l’eau pénétrer), saveur (douce, peu amère
ou âcre). L’arbre doit présenter vigueur et résistance (anthracnose et
bactériose) tout en n’étant pas trop précoce au débourrement. Pour le bois, le
tronc doit avoir une circonférence minimale de 2,50 m et une couronne dont les charpentières
ne dépassent pas 4 cm
de diamètre à leur empattement. Les collections qui se mettent en place à
Meinier (GE), à St-Légier (VD) et à l’Arboretum du vallon de l’Aubonne tentent
de faire un peu d’ordre. On utilise évidemment des plants greffés, seule
méthode pour garantir l’authenticité variétale.