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Mieux mesurer l’impact de l’agriculture sur l’environnement
L’agriculture moderne est confrontée à un défi de taille: produire suffisamment pour nourrir la population, tout en limitant son empreinte environnementale. Face aux attentes croissantes en matière de durabilité, il est aujourd’hui indispensable de disposer d’outils pour mesurer de manière fiable l’impact des pratiques agricoles sur les sols, l’eau et la biodiversité.
Ces enjeux étaient au cœur de la 12e Conférence Agroscope sur la durabilité, qui s’est tenue récemment à Zurich. Cet événement, réunissant chercheurs, agriculteurs et experts, a notamment permis de faire le point sur les avancées du programme "Indicate", un projet de de recherche d’Agroscope lancé en 2021. Son objectif: développer et améliorer des indicateurs environnementaux pour une évaluation plus précise et accessible de la durabilité des exploitations.
Un suivi plus précis des flux de nutriments
La gestion des nutriments, et en particulier de l’azote et du phosphore, constitue l’un des axes majeurs du programme. Ces éléments, qui sont indispensables à la fertilité des sols, peuvent en effet devenir des sources de pollution lorsqu’ils sont appliqués en excès. Les excédents d’azote, par exemple, sont susceptibles de contaminer les eaux souterraines ou de se transformer en protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre particulièrement puissant.
Dans le cadre de son développement, "Indicate" s’est appuyé sur Suisse-Bilanz, un outil largement utilisé par les agriculteurs suisses pour évaluer les entrées et sorties de nutriments dans leurs exploitations. Le programme explore comment ce système peut être affiné pour mieux tenir compte des pertes réelles dans l’environnement, et permettre aux agriculteurs d’ajuster plus précisément leurs apports en engrais.
Au-delà des flux de nutriments, le programme "Indicate" s’est également intéressé à l’impact de l’agriculture sur la biodiversité. Cette dernière jouant un rôle essentiel dans le maintien de sols fertiles, et dans la régulation naturelle des ravageurs et des maladies. Les chercheurs ont donc exploré différents moyens de quantifier la biodiversité à l’échelle des exploitations agricoles. Les indicateurs doivent permettre de mieux comprendre comment certaines pratiques favorisent ou réduisent la diversité des espèces présentes dans les paysages agricoles. L’un des enjeux est d’établir des seuils de référence et d’identifier les pratiques qui préservent les habitats naturels tout en maintenant la productivité des terres.
L’une des difficultés soulevées est la variabilité des résultats selon les régions et les systèmes de culture. Un indicateur efficace doit être adaptable aux différents types d’exploitations et suffisamment robuste pour donner une vision représentative de l’impact des pratiques sur la biodiversité.
Des technologies innovantes pour surveiller la qualité des sols
Quant à l'état des sols, c'est évidemment un paramètre déterminant pour la durabilité agricole. Une structure dégradée ou une faible teneur en matière organique peuvent entraîner une baisse de fertilité et une moindre capacité à retenir l’eau. Jusqu’à présent, évaluer ces caractéristiques nécessitait des analyses de laboratoire, souvent coûteuses et chronophages.
Pour remédier à cette contrainte, "Indicate" teste l’utilisation de la "spectroscopie proche infrarouge" (Vis-NIR). Cette technique permet d’obtenir une lecture rapide de certaines propriétés du sol en analysant la lumière qu’il réfléchit. Elle pourrait ainsi offrir un moyen plus accessible d’évaluer la qualité des sols directement sur le terrain. Toutefois, des ajustements restent nécessaires pour garantir la fiabilité des résultats, notamment en fonction des variations d’humidité et de la diversité des types de sols.
L’enjeu de l’accessibilité des indicateurs
Si l’amélioration des outils d’évaluation est une avancée, il faut encore que ces indicateurs soient facilement exploitables par les agriculteurs. L’un des défis identifiés lors de la conférence est la nécessité de rendre ces systèmes simples à utiliser et intégrables dans les outils de gestion déjà en place.
L’augmentation des exigences réglementaires en matière de durabilité ne doit pas se traduire par une surcharge administrative pour les exploitants. Pour cette raison, "Indicate" s’intéresse à l’intégration de ces indicateurs dans les plateformes numériques utilisées par les agriculteurs, afin d’automatiser la collecte et l’analyse des données. L’accompagnement des agriculteurs par le biais de formations et de conseils techniques est également un levier important pour garantir une adoption efficace de ces outils.
Pascale Bieri/AGIR