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Possible retour des farines de volaille ou de porc : des éleveurs s’expriment
Faites l’expérience : rapprochez les expressions « utilisation durable des ressources » et « farine animale », et écoutez la réaction de vos interlocuteurs. Et votre propre sentiment. Immanquablement, c’est le cas de le dire, il y a comme un os. Car qui a connu la panique de la fin des années 90, suite à l’épizootie de la vache folle (l’« encéphalopathie spongiforme bovine » ou ESB), les tergiversations politiques avant l’interdiction totale des farines carnées (en Suisse en 2001), ne veut plus en entendre parler. Chacun se souvient des formes pathogènes de la protéine « prion », des ravages qu’elle a pu produire chez les bovins, d’abord britanniques, et de sa transmission, notamment via des résidus de carcasses, à l’époque utilisés dans l’alimentation des animaux de rente.
Une marge de manœuvre
Sauf qu’entre temps, la science a beaucoup avancé. Et il est permis de se baser ici sur la synthèse de l’organisation Santé des animaux de rente Suisse (NTGS), fondée en 2020 par les organisations nationales de détenteurs d'animaux, d'éleveurs et de marchands de bétail, avec les vétérinaires, la faculté vetsuisse et l'Association suisse des vétérinaires cantonaux. Cette organisation, basée à Zollikofen, est chargée « d'améliorer la qualité et la durabilité de la production animale dans le secteur agroalimentaire ». Et sa fiche d’information dédiée affirme qu’une marge de manœuvre a pu être délimitée.
Jamais aucune ESB n’a été identifiée, ni même pu être déclenchée en laboratoire, chez les porcs ou les volailles. Seuls les ruminants, et le recyclage de leurs organes du système nerveux central (cerveau, moelle épinière) sont en cause. Il est noté qu’en dehors de l’Europe, les restrictions alimentaires n’ont jamais été étendues aux porcs ou aux volailles. A l’inverse, l’utilisation des protéines issues des sous-produits animaux (SPA) dans l’alimentation des animaux d’élevage permettrait de réduire l’importation de composants type tourteaux de soja, l’utilisation d’acides aminés synthétiques, et l’importation de phosphore, contribuant à la durabilité de l’agriculture nationale et au bouclage des cycles de production.
Pas de cannibalisme animal
Priorité absolue, la sécurité alimentaire, pour l’homme comme pour l’animal, suppose, ici encore, une chaîne de principes et de mesures, et l’implication de différentes instances de contrôles. Oui, les porcs et les volailles sont dits omnivores, et l’absorption de protéines animales correspond à leur comportement naturel. Mais il restera strictement interdit d’utiliser des SPA provenant de ruminants, interdit de nourrir porcs et volailles avec des SPA de la même espèce (pas de cannibalisme), et donc nécessaire de séparer tout aussi strictement farines de porc et farines de volaille, dès l’abattoir et tout au long du processus de fabrication. En outre, seules les matières premières provenant d’abattoirs et d’animaux propres à la consommation humaine seront utilisées.
Déjà dans les importations en provenance de l’UE
Ainsi, sur les quelque 6'500 exploitations porcines et 13'900 exploitations avicoles que compte la Suisse, l’organisation estime que l’on pourrait réduire d’environ 10% nos importations de tourteaux de soja, soit une surface de 11'000 hectares, qu’elle soit exploitée en Europe ou ailleurs dans la monde. Il est aussi précisé que ces SPA sont déjà en partie transformés en aliments pour nos animaux domestiques.
L’Union européenne a déjà décidé d’aller de l’avant, avec un assouplissement entré en vigueur le 17 septembre 2021. Cela signifie qu’aujourd’hui, les animaux et produits d’animaux en provenance de l’UE peuvent entrer en Suisse sans restrictions supplémentaires s’ils ont été nourris ou produits suivant cette directive, à savoir avec utilisation des protéines animales issues de volailles pour nourrir les porcs, et issues de porcs pour nourrir les volailles.
Pour la Suisse, un effort considérable
A l’échelle de la Suisse, la séparation stricte des flux de marchandises entraînerait un effort logistique considérable, avec des répercussions sur le prix des aliments pour animaux. Et tous les contrôles supplémentaires imposés ne sont pas à négliger. Reste que le Département fédéral de l’intérieur a mis en consultation, en septembre, les modifications d’ordonnances nécessaires, donnant suite à des motions, UDC et socialiste, acceptées par les chambres fédérales.
C’est dans ce contexte que notre vidéo vous propose ici d’écouter les prises de position de Daniel Schwager, 43 ans, éleveur de poulets IP-Suisse à la ferme des chênes, sur la commune de Corcelles-le-Jorat (VD), et de Gaël Monnerat, 42 ans, éleveur de porcs IP-Suisse à la ferme des 3C de Mettembert (JU) et président de la section romande de Suisseporc. Tous deux travaillent sur des exploitations mixtes, avec plusieurs espèces d’animaux de rente, comme c’est le cas d’une écrasante majorité de fermes en Suisse.
Etienne Arrivé/AGIR
> Nous prolongerons cette thématique, cette semaine encore, avec le point de vue du directeur général de l’entreprise Kunz Kunath AG, numéro deux suisse de l’alimentation animale avec la marque FORS, M. Peter Stadelmann.