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Pour voir l’hermine, le lézard et la belette
Au nom de la biodiversité, il faut savoir prendre sur soi. Et déjà, la pluie. Une bonne grosse douche, comme lors de ce rendez-vous donné conjointement par le Parc naturel régional Jura vaudois et par l’antenne vaudoise de Pro Natura, à proximité du village de Montricher (VD). Avec nous, une équipe de la RTS, «venue faire de belles images, concrètes, sur les efforts engagés», images destinées à alimenter, dans le 19:30, les enseignements collatéraux du rejet de l’initiative biodiversité. Leurs housses de protection ont été mises à rude épreuve, mais le lieu de ponte pour lézards agiles, aménagé en lisière de forêt sur une sous-couche de sable inclinée, a bel et bien pu être recouvert de souches de bois, grâce aux manœuvres, tout aussi agiles, de l’agriculteur Christophe Meylan (voir nos photos sur les réseaux @agirinfo).
"Prendre notre part"
"On a décidé d’entrer dans le projet, explique ce dernier, parce qu’on voulait prendre notre part aux efforts engagés, et montrer à nos enfants que nous ne restons pas les bras croisés. Ces nouvelles pratiques, dans un contexte de transition climatique, nous sommes la première génération d’agriculteurs à devoir nous les coltiner. Et les mesures en faveur de la biodiversité deviennent, pour nous, un secteur à part entière". A l’automne 2022, Christophe Meylan, qui exploite un domaine agricole conventionnel de 150 hectares, entreprend donc de transformer une parcelle céréalière trop peu productive en verger à hautes tiges. C’est Quentin Kohler, chef de projet chez Pro Natura, qui assure le suivi des aménagements de petites structures sur le site, à raison de cinq à l’hectare, entre les plantations de pommiers, poiriers, cognassiers ou mirabelliers. Il peut d’ailleurs témoigner des efforts quotidiens pour les sauver, au fil d’une année 2023 trop chaude et trop sèche.
Une vingtaine de sites aménagés
Sur trois ans, conjointement avec le PNR Jura vaudois, une vingtaine de sites ont ainsi été aménagés. Entre Aubonne, Bière et Orbe, des tas de pierres et de branches, des haies, des lisières étagées, des plantations d’arbres fruitiers ainsi qu’un étang ont vu le jour, tant en zone agricole que forestière, pour favoriser l’hermine, la belette et, donc, le lézard agile. "Et nous tenons à ce que ça marche", poursuit l’exploitant, "comme pour tout ce que nous entreprenons".
Il faut rappeler que l’hermine (blanche en hiver), et sa cousine plus rare la belette (qui reste brune sur le dos toute l’année), sont des chasseuses hors pair, et que leur présence peut drastiquement diminuer les populations de campagnols et d’autres rongeurs, dont l’appétit et les galeries ramifiées appauvrissent, au contraire, les champs. "Hermines et belettes sont d’excellentes auxiliaires naturelles pour les agriculteurs", ajoute Valérie Collaud, responsable nature et biodiversité au PNR Jura vaudois.
50 souris par semaine
"Même s’il nous est encore difficile de les dénombrer, car elles sont très furtives, une seule famille d’hermines peut éliminer 50 souris par semaine". Une brochure, destinée aussi bien aux collectivités qu’aux privés, et aux enseignants pour leurs élèves, détaille les principes de construction de ces petites structures et leur mise en réseau. Le défi principal consiste à reconnecter des corridors de déplacement sécurisés et des abris dans lesquels se réfugier.
"Quant à nous, conclut Christophe Meylan, sachant que nous sommes aussi, via les prestations écologiques requises, en quelque sorte rémunérés par les impôts des gens, nous réfléchissons à la meilleure façon d’offrir les fruits de ce verger aux plus démunis. Il y a là du positif à plein de niveaux, et dans notre milieu en ce moment, croyez-moi, ça fait du bien au moral!"
Etienne Arrivé/AGIR