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Ravageurs du colza : des micro-guêpes à la rescousse
En ce début de printemps, les champs de colza sont denses et lumineux, en Ajoie (JU). Un magnifique spectacle. Mais ils servent également de terrain d'étude pour un projet mené par la Fondation Rurale Inter-jurassienne (FRIJ). C’est là que nous avons rencontré Yann-David Varennes, biologiste et ingénieur agronome, alors qu’il s’enfonçait dans ces étendues jaunes près de Porrentruy, non pas pour une simple balade, mais pour relever des pièges à insectes stratégiquement installés au milieu des plans de colza. Ces pièges, des sortes de petites cuvettes, sont destinées à capturer des micro-guêpes parasitoïdes.
Objectif du projet
Premier objectif de l’étude de la FRIJ : recenser les espèces de micro-hyménoptères présentes dans la région. Comme elles sont plusieurs milliers d'espèces à travers le monde - chacune ciblant un ravageur spécifique – l’intérêt est de les identifier pour savoir si elles pourraient contribuer à la lutte biologique contre les ravageurs du colza. « Nous avons déjà confirmé la présence du "Tersilochus heterocerus", qui parasite le méligèthe. Il est possible aussi que nous ayons deux ou trois autres espèces qui s'attaquent à l'altise et au charançon du colza », confie Yann-David Varennes.
Le rôle écologique des micro-hyménoptères
Ces micro-guêpes pourraient être, en effet, d’excellentes alliées pour les agriculteurs. Avec un mode d’action assez terrifiant. À la manière des créatures du film "Alien", elles pondent leurs œufs à l'intérieur d’un ravageur. Chaque guêpe peut parasiter plusieurs dizaines d’insectes, à l’intérieur desquels la larve va se développer, en se nourrissant des organes internes de son hôte, sans toutefois le tuer immédiatement. Ce processus naturel pourrait offrir une alternative écologique aux pesticides, réduisant la nécessité de traitements chimiques. C'est l'objectif final de la recherche de la FRIJ.
Cadre de l’étude et collaboration
Cette étude menée par la FRIJ a débuté en janvier. Elle s’étalera sur trois années de récoltes et bénéficie du soutien de l’Office fédéral de l’Agriculture (OFAG), de la Loterie romande, de la Fondation Sur-la-Croix, ainsi que de la Fédération suisse des producteurs de céréales (FSPC). Trois agriculteurs locaux participent également à ce projet et, pour ce faire, se sont engagé à respecter des pratiques agricoles spécifiques, permettant le bon déroulement de l’étude.
Ces pratiques incluent de semer le colza tôt, en août, et l’associer avec de la féverole ou une autre légumineuse, une stratégie qui, souligne Yann-David Varennes, réduit la présence de ravageurs. De plus, les cultures sont gérées en extenso, sans utilisation de produits phytosanitaires sauf en cas de besoin extrême, tout en laissant une bande non traitée pour préserver un refuge pour la biodiversité. Les agriculteurs participants se sont également engagés à semer la culture suivante sans retourner le sol.
Pratiques agricoles et perspectives futures
Dans quatre ans, l’équipe de la FRIJ espère avoir suffisamment de données pour offrir des recommandations qui aideront les agriculteurs à travailler de manière plus durable et moins dépendante des traitements chimiques, tout en favorisant la présence bénéfique de ces micro-guêpes. Selon Yann-David Varennes, la finalité ne pourra certainement pas être d'éliminer complètement l'usage des pesticides, mais il pourrait être possible de les réduire, peut-être à une année sur quatre, adaptant les traitements à la pression des ravageurs exacerbée par des facteurs comme le réchauffement climatique.
Pascale Bieri/AGIR