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Sauvé de l’arrachage, son gamaret 2022 triomphe
"Pour le vigneron qui vend dans les grandes caves, le gamaret n’est pas recherché. Quatre ans en arrière, j’ai donc hésité à l’arracher. Il demande beaucoup de travail, n’a pas beaucoup de rendement et n’est pas bien rémunéré. C’était plus simple de mettre autre chose, ici du chasselas destiné au fendant. Mais pour finir, j’ai décidé de le mettre en valeur en le vinifiant, et c’est comme ça qu’on en est arrivé à ce Gamaret de Saillon 2022 qui nous montre tous ses secrets. Car pour la cave, il est clairement intéressant !" Preuve en est, son nectar vient de rafler 4 distinctions et 3 trophées au Grand Prix du vin suisse 2023 : 1er prix « Gamaret, Garanoir ou Mara purs », prix « Découverte », prix « Vinissimo - Coup de cœur des vins rouges », et « Best of région Valais ».
Monteur-électricien avant de se lancer
Fulliérain pur jus, Fabrice Carron, 36 ans, a pris son temps avant de marcher dans les pas de son père et de son oncle, et avant eux de son grand-père et de son arrière-grand-père. "J’ai commencé par un apprentissage de monteur-électricien, puis j’ai encore travaillé 4-5 ans dans l’électricité. Mais j’avais toujours dans un coin de tête l’idée de reprendre l’entreprise familiale." Certes, il voulait apprendre ce métier de vigneron, mais il lui fallait d’abord "la sécurité de pouvoir s’appuyer sur une autre formation". "J’étais très conscient de la difficulté à vivre de la viticulture, j’en ai toujours entendu parler chez moi, ce qui m’a fait y réfléchir à deux fois." Les années passent, jusqu’au fameux « moment où jamais », celui où il a décidé de foncer : "J’ai suivi les cours de l’école d’agriculture du Valais, à Châteauneuf, puis j’ai fait mon apprentissage durant deux ans chez Henri Dorsaz, à Fully. Et de là, j’ai rejoint l’entreprise familiale, il y a dix ans".
"Il fallait tout amener à bras"
La suite est une combinaison d’héritage et de persévérance. Pour son 1er encavage, en 2020, il utilise un mayen appartenant à sa famille depuis 4 générations, sans route d’accès, à Euloz : "C’était une solution de secours, il me fallait un local, et je me suis dit pourquoi pas là-haut ? Il fallait tout amener à bras, c’était très compliqué. Mais quand on a l’envie, on s’adapte et on fait avec". Il bénéficie ensuite, durant deux années, de la cave et du matériel du frère de son grand-père, avant finalement, début 2023, d’investir dans son propre local, plus facile d’accès, plus spacieux. "Aujourd’hui j’encave seul environ 3 hectares, soit entre 8 et 10’000 bouteilles par an, et je suis fier de tous mes vins. Je me suis inscrit à ce Grand Prix du vin suisse simplement pour me faire une idée de mon niveau par rapport aux autres caves. Mon gamaret, c’est entre 600 et 1'000 bouteilles, et même si je reprends l’entreprise dans son entier, je n’en produirai pas beaucoup plus, sinon je ne pourrai pas tout gérer seul. Mon but est de rester artisanal et d’en faire le plus possible par moi-même."
Une diversité exceptionnelle
Droit dans ses bottes, fort de conseils ancrés profondément dans ce terroir cristallin, Fabrice Carron esquisse un sourire en expliquant que son gamaret primé "était juste excellent". "C’est un vin coloré, pourpre, qui a des notes d’épices, qui a des tanins puissants et qui est beaucoup porté sur le fruit. Un vin gustativement très intéressant". Se voit-il prêt à rééditer les médailles avec la vendange 2023 ? "C’est en tout cas une belle année encore, un millésime très concentré, très fruité, avec de bonnes quantités. C’est très prometteur, mais après on verra le produit quand il sera entièrement fini." Quant aux inquiétudes climatiques : "En Valais, on a une telle diversité de cépages et de terroirs qu’on ne peut pas être pessimiste. Du vin, on pourra toujours en faire, en adaptant le cépage aux secteurs qui lui conviendront le mieux."
Un dernier crochet par la célèbre « Combe d’enfer », dernière prise de vue sur le Grand Chavalard, on le raccompagne en évoquant, non plus les prix, mais le prix : "Pour moi, un vin doit se déguster dans une ambiance très décontractée, être un plaisir que tout le monde peut se permettre. Le luxe s’adresse à une certaine clientèle, qui existe, certes, mais il ne faut jamais oublier que le vin doit être accessible à tout un chacun."
Etienne Arrivé/AGIR