Main Content
Si c’est pas cher payé, à qui la faute?
Faute de pouvoir assister à ces discussions, il faut imaginer qu’ils sont une dizaine dans la pièce, représentants désignés par les producteurs d’une part, par les transformateurs et les distributeurs d’autre part. Pour une filière donnée, leurs séances de comité ont lieu à une fréquence déterminée, et visent à trouver une majorité, afin de fixer le prix indicatif d’un produit agricole pour une période limitée. Tous cherchent à convaincre, sachant que personne n’est prêt à perdre, et que la décision se fait sur la capacité du marché à supporter les décisions prises.
Une exigeante majorité à trouver
On l’a vu, par exemple, pour le lait d’industrie le 1er mars : la faîtière zurichoise réclamait une augmentation de 4 centimes par litre, mais seuls 3 centimes ont été validés par l’Interprofession, pour une entrée en vigueur au 1er juillet et un tarif bloqué jusqu’à la fin de l’année. « Ce qui est particulier à cette IP-Lait », nous explique Michel Darbellay, responsable des questions liées au marché à la direction de l’Union suisse des paysans, « c’est que les décisions du comité sont prises à la majorité des trois quarts de chaque groupe d’intérêts, et que les votes nuls et les abstentions ne sont pas comptés. Une majorité est donc exigeante à obtenir. La négociation intègre de nombreux paramètres comme l’évolution du marché, des stocks, la demande, les prévisions, les importations, l’écoulement à l’export, le taux de change. »
L’espoir de gestes forts
Relevons que chaque filière détermine à partir de quand valent les nouveaux prix indicatifs. Cela peut être pour une nouvelle récolte, comme en production végétale, mais peut aller jusqu’à des adaptations hebdomadaires dans le secteur de la viande, en fonction de l’offre et de la demande. Sur le calendrier 2024, on devrait ainsi voir arriver les tarifs négociés pour les pommes de terre, puis, en juin, ceux des céréales. Vous l’avez lu et entendu partout : cette année les producteurs espèrent des gestes forts, mais il se retrouveront aussi, à chaque fois, face à des transformateurs et à des représentants de la grande distribution qui ne sont pas obligés d’accepter de fixer un prix indicatif au niveau demandé.
L’appui des mouvements de révolte
« L’USP prépare le terrain auprès des acteurs du marché pour que les négociations puissent se faire au mieux », poursuit Michel Darbellay. « Nous martelons nos revendications, cette nécessaire hausse des prix à la production de 5 à 10%, incontestable comme première étape pour compenser des revenus agricoles largement insuffisants. Les mouvements de révolte nous donnent alors de l’appui, et si nous parvenons à ce que le message passe à l’interne des structures des grands distributeurs, la réceptivité aux demandes des producteurs sera plus grande. L’exercice est somme toute difficile avec l’inflation, avec la pression des importations et du tourisme d’achat, ainsi que des consommateurs plus regardants sur les entrées de gamme. Mais nous restons optimistes. »
Être attentifs aux signaux en magasins
Quant à nous, simples consommateurs, après avoir ici essayé de comprendre, il nous reste à agir. Soyons attentifs aux signaux en magasins : le positionnement de la production suisse et la demande des consommateurs ont un effet sur l’écoulement de la marchandise et sur sa valorisation. Un succès en rayons détermine aussi le rapport de force et le climat de négociation. Mieux vaut en avoir conscience dans nos réflexes d’achats, en étant conséquents par rapport au modèle d'agriculture que l'on souhaite.
Etienne Arrivé/AGIR