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"Sol is in the air", une formation en témoigne
"Ce qui me fascine le plus, c’est qu’il y a dix ans, on ne pouvait pas affirmer le quart des choses qui ont été exposées ce matin." Serge Amiguet, pédologue et directeur du laboratoire et bureau d’études Sol-Conseil, le souligne avec gratitude pour les sept orateurs de la matinée. Et on serait tenté d’y ajouter la célèbre formule d’Einstein: "Plus j’apprends, plus je réalise que je ne sais pas". Car il n’a pas été rare, dans cet Espace Dickens plein comme un œuf, devant un public d’agronomes, d’architectes-paysagistes ou d’agriculteurs, que les spécialistes s’arrêtent sur tel ou tel résultat en avouant simplement: on ne sait pas encore pourquoi. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’a pas avancé, bien au contraire, en témoignent le nombre des questions posées, et les mines réjouies des participants au moment de se quitter.
Transmettre un état de la science
Il s’agissait de la 4e formation du genre montée par Sol-Conseil, cette fois avec l’appui des bureaux d’études TeraSol et Ecoscan. Bien sûr, ces entreprises privées en profitent pour réseauter, mais, moyennant un tarif d’inscription modéré (220 francs l’entrée, 150 pour les étudiants et les indépendants), elles prennent ici l’initiative de transmettre un état de la science et des connaissances. Elles le font à un moment de l’année un peu plus calme pour les exploitants, avec moins d’activités de terrain. Et si l’édition précédente se concentrait sur les sols de chantiers, c’est bien l’agronomie qui était remise à l’honneur cette année.
Sans être exhaustif, on a pu se faire présenter un bilan du projet progres-sol.ch, mené entre 2017 et 2022, dans le canton de Vaud, par Proconseil, filiale de Prométerre, en partenariat avec l’Institut de recherche sur l’agriculture biologique FiBL. Quarante-deux exploitations agricoles ont pu y bénéficier d’outils d’autodiagnostic, d’analyses, de formations et d’une mise en réseau, afin d’améliorer leurs pratiques et d’augmenter leur taux de matière organique fertile. Typiquement, des inconnues ont été mesurées, quant à l’impact des couverts végétaux ou à l’évolution de la teneur en phosphore, inconnues qui mériteraient d’être encore explorées.
Franchir les barrières psychologiques
Autre exemple, Terresvivantes, le projet de la Fondation rurale interjurassienne, prévu jusqu’en 2026 sur 10% des terres assolées (à savoir soumises à la rotation des cultures) de la région Jura-Jura bernois. Là encore, sur plus de 3'000 hectares, il s’agit de remettre le sol au centre des préoccupations des agriculteurs, lesquels sont invités à changer leurs habitudes, que ce soit en discutant avec leurs collègues, avec des conseillers en agronomie ou des chercheurs. Comment faire, par exemple, pour augmenter la résilience de leurs parcelles vis-à-vis des aléas climatiques ?
Terresvivantes, c’est aussi un monitoring de la biodiversité des sols, avec des mesures, toujours en cours, sur la présence des lombrics mais encore des carabes, insectes coléoptères capables de se déplacer jusqu’à 300 mètres dans un champ, et qui ont un fort rôle pour la régulation des prédateurs dans les cultures, car se nourrissant de pucerons, limaces, chenilles ou escargots. Quelles bonnes pratiques de labour et de fertilisation permettront de les favoriser ?
Choisir des mesures qui font sens
Avec le concours d’Agroscope, on a enfin parlé érosion et compaction, et comment les robustes racines des saules pourraient, peut-être, aider à régénérer un terrain dont la biomasse a été détruite par le poids de matériels de chantiers, ou d’engins agricoles.
"Retenez d’abord ce qui était utile pour vous", a suggéré, en conclusion, Serge Amiguet. En matière de fertilité agricole, la réduction du travail du sol "jusqu’au non labour" est synonyme, selon lui, "de retour des vers de terre et d’une forte réduction des engrais minéraux". "Certes c’est une bonne chose, mais ce serait encore mieux de retrouver une polyvalence fermière, avec des animaux de rente mieux répartis sur le territoire, car ils jouent un rôle très positif pour la qualité des sols. L’alternance des types de matières organiques épandues s’avère, à ce jour, la clé de la fertilité".
Etienne Arrivé/AGIR