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"Soutenir les produits GRTA, c’est défendre une agriculture locale et responsable"
Chaque automne, l’Union suisse des paysans (USP) remet un prix médias à un ou plusieurs journalistes qui ont permis au grand public de mieux comprendre une réalité du monde agricole, grâce à leurs enquêtes, reportages ou décryptages. Cette récompense, dotée d’un montant de 2'000 francs, est décernée dans les trois principales régions linguistiques du pays, à l’occasion de l’Assemblée des délégués de l’organisation faîtière.
Pour la Suisse romande, ce mercredi 20 novembre au Kursaal de Berne, ce sont Xavier Lafargue et Eric Budry de La Tribune de Genève qui ont reçu cette distinction, pour leur dossier consacré aux 20 ans de la marque GRTA (Genève Région – Terre Avenir). Elle leur a été remise par Yann Huguelit, Président de l’Agence d’information agricole romande AGIR, chargée de présélectionner les articles en compétition pour cette distinction.
Rencontre avec Xavier Lafargue, 63 ans, qui a notamment été chef de la rubrique locale de La Tribune de Genève, entre 2012 et 2016, avant de faire le choix de revenir sur le terrain et à l’écriture. Aujourd’hui, il est également responsable des suppléments Tribune du Terroir consacrés à l’agriculture.
Est-ce que vous pourriez nous expliquer – notamment pour les non-Genevois – en quoi consiste la marque GRTA, et ce qui vous a amené à réaliser ce dossier?
GRTA, qui signifie “Genève Région – Terre Avenir” est une marque de garantie lancée en 2004 par l’État de Genève pour promouvoir les produits locaux, de la production jusqu’à la transformation et à la vente, et, depuis 2012, jusqu’à la restauration, y compris collective. Cette marque repose sur quatre valeurs essentielles: la qualité (qui garantit le goût, la fraîcheur et le respect de l’environnement), la proximité (avec des produits issus et transformés à Genève ou dans la zone franche), la traçabilité et l’équité. Ce dernier point, l’équité, est fondamental car il assure que chaque maillon de la chaîne, du producteur aux employés agricoles, bénéficie de conditions de travail décentes et de salaires justes, avec des protections sociales. Pour les 20 ans de la marque, nous avons voulu voir comment GRTA a su s’implanter dans les habitudes de consommation des Genevois et évoluer au fil des années.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en réalisant ce dossier?
Ce qui m’a surtout étonné, c’est de voir que GRTA ne se limite plus aux produits agricoles, mais s’étend aujourd’hui à la restauration, y compris la restauration collective, comme dans les crèches, les cafétérias d’entreprise et les HUG (Hôpitaux universitaires de Genève). C’est une vraie avancée, car cela montre qu’on peut consommer local et de qualité même à grande échelle, en valorisant les circuits courts. Personnellement, je n’associais pas la grande restauration à ce modèle-là, mais plutôt à ce qu’on voit dans le film L’Aile ou la Cuisse avec de Funès, où Louis de Funès joue un critique gastronomique qui s’attaque aux méthodes de Tricatel, un patron de la malbouffe, qui privilégie la production de masse au détriment de la qualité des aliments.
Quand on dit GRTA aux Genevois, vous pensez qu’ils savent tous ce dont il s’agit?
Le logo GRTA est très visible et bien implanté: on le retrouve dans les grandes surfaces, les marchés, les épiceries, et le canton en fait beaucoup la promotion. En réalisant notre dossier, nous avons constaté que certains consommateurs recherchent volontairement les produits GRTA pour favoriser l’agriculture locale et les circuits courts, mais peu savent qu’en faisant ce choix ils soutiennent aussi un mode de production respectueux, avec des salaires décents et des assurances sociales pour les employés agricoles, et une rétribution correcte pour l’agriculteur. Ce sont des éléments hyper importants si l’on veut qu’il y ait encore des agriculteurs en Suisse demain.
Votre dossier a bénéficié d’un soutien financier de l’État de Genève. Cela a-t-il influencé votre travail journalistique?
Non, après avoir sélectionné les thèmes généraux, nous avons travaillé en toute indépendance sur le terrain pour choisir les contenus, les angles de reportages ou les personnes rencontrées. Notre objectif était de rendre compte de l’impact des circuits courts, de la qualité alimentaire et des valeurs que défend GRTA, sans chercher la polémique. Face aux nombreux labels existants, il est facile de s’y perdre, et c’est aussi le rôle du journalisme de clarifier et d’informer de manière claire le public.
Avez-vous des liens personnels avec le monde agricole?
Pas du tout. Je suis un citadin pur. J’ai longtemps vécu au centre-ville avant de m’installer dans une commune rurale genevoise, essentiellement résidentielle. Mes premiers contacts avec le monde agricole sont dus à des promenades en campagne et surtout à travers mon activité de journaliste responsable des suppléments liés à l’agriculture, encartés dans La Tribune de Genève. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Genève, même en tant que canton urbain, produit bien plus qu’on ne l’imagine.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le monde agricole?
J’ai pris conscience de la complexité et de la dureté du métier d’agriculteur. C’est une profession qui exige non seulement des compétences techniques, mais aussi une grande résilience et une adaptation constante aux changements. Les agriculteurs sont tributaires de conditions météorologiques qui deviennent de plus en plus imprévisibles, ce qui complique énormément leur travail. En plus de cela, ils sont sans cesse confrontés à des pressions sociales et politiques, et à des critiques de la part de personnes extérieures au milieu agricole qui n’y connaissent souvent pas grand-chose. C’est vraiment compliqué. Et il ne faut pas oublier que ce sont les agriculteurs qui nous font vivre.
Propos recueillis par Pascale Bieri/AGIR