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Un congrès international qui inspire le respect
De s’informer mon cœur s’est enrichi. Ayant participé, auprès des 266 autres inscrits de 33 nationalités, au 68e Congrès international des journalistes agricoles, on peut sans hésiter vous le narrer en attaquant par une variante du titre du fameux film de Jacques Audiard. D’autant que pendant trois jours, très sincèrement, « de battre notre cœur ne s’est pas arrêté ».
Une introduction à la démocratie directe
D’abord, il y eut la partie formation. Pour ne prendre qu’un exemple, il faut citer la façon dont la HAFL de Zollikofen a reçu, le mercredi 14, une trentaine d’étudiants, dont de nombreux Américains de l’Université de l’Illinois, pour une introduction à la communication agricole en Suisse. Les exposés étaient assurés par Marc Andrey, du Centre de compétences de la Confédération pour la recherche Agroscope, et par Sandra Helfenstein, pour l’Union suisse des paysans. Une large place y était réservée au dialogue et aux travaux en ateliers, bref: une première fenêtre grande ouverte sur les arcanes de notre démocratie directe.
Empoignade et poignées de main
Ensuite, la partie officielle, au Kursaal d’Interlaken le jeudi matin. Il fallait entendre la façon dont ont pu s’empoigner Jonas Schälle, chef de projet agriculture chez BirdLife Suisse, et Fritz Glauser, président de Swiss Granum, l'interprofession de la branche suisse des céréales, des oléagineux et des protéagineux. Côté BirdLife, la bonne réputation de la Suisse sur les questions de biodiversité « relève d’un conte de fée directement hérité de Heidi ». Réponse du Glânois, également vice-président de l’USP: « Ce n’est pas en tapant systématiquement sur la tête des agriculteurs que l’on va les aider à poursuivre leurs efforts, d’autant qu’il s’agit de bien distinguer les discours exprimés par le citoyen de la réalité, précisément mesurée, de ses pratiques de consommateur au quotidien: qui est vraiment prêt à payer quoi? »
Cantine olympique surclassée
Ce jeudi, entre deux bouchées alternant produits du terroir et de l’innovation alimentaire suisse (à ce niveau, le village olympique de Paris a été très nettement surclassé), le comité d’organisation du congrès avait aussi invité sur scène trois gros poissons, les patrons de Syngenta (plus gros sponsor de l’événement), Nestlé et Emmi, soit trois acteurs suisses du marché agro-alimentaire mondial, actifs dans les pays d’origine des participants. « Leurs exposés étaient rodés, mais ce n’est pas forcément chez eux que j’ai entendu du nouveau », nous confiait, le lendemain dans le bus, un journaliste canadien également présent lors du congrès 2023, qui se tenait alors dans son pays, à Olds, dans l’Alberta.
Incomparables enseignements des visites
Dans le bus... car c’était bien le lieu pour sympathiser, au fil des multiples visites de la journée de vendredi. Cinq itinéraires totalement différents avaient été prévus, dans une organisation fluide qui a impressionné – en tout cas les membres de notre groupe, par-delà le col du Brünig, vers les cantons d’Obwald puis de Lucerne. « On y a travaillé pendant plus de deux ans », explique le vice-président du comité d’organisation, et président de l’OFAJ de 2012 à 2016, Markus Rediger, « avec une dizaine de membres dans le comité d’organisation, et encore une douzaine de bénévoles qui se sont joints à nous dans la dernière ligne droite ». « L’agriculture suisse a beaucoup à montrer, et se rendre sur place est une nécessité pour mesurer, par exemple, ce que signifie vraiment le cahier des charges de l’Interprofession du Gruyère ».
Encore faut-il pouvoir se déplacer
Et de ce programme en cinq groupes, auquel il faudrait encore ajouter un « pré-tour » et un « post-tour » étendant potentiellement le séjour du 11 au 22 août, on retiendra plusieurs éléments. D’abord le budget de la manifestation, avoisinant les 450'000 francs dont environ 250'000 de sponsoring et 200'000 de frais d’inscription, à raison de 790 francs par personne pour le forfait de base, sans compter l’hébergement.
D’autre part, une visite insolite parmi d’autres: celle de l’entreprise Kernser Edelpilze, l’un des 12 producteurs de champignons en Suisse, dont les spectaculaires variétés dites « exotiques » (mais dont les souches sont actuellement produites dans l’UE) ont remplacé un élevage de cochons pour une meilleure gestion de la ressource en eau - nos photos sur les réseaux sociaux de l’agence AGIR vous en diront davantage.
Ethique journalistique et menace de l’IA
Et enfin, il y a tous ces questionnements sur les percées de l’Intelligence Artificielle, nouvelle ressource qui interpelle au moins autant ces journalistes qu’ils ne se passionnent pour trouver la communication agricole la plus efficiente, la plus respectueuse. Nul doute qu’il en sera encore question lors de la prochaine édition, prévue du 14 au 18 octobre 2025, à Nairobi au Kenya. Ces derniers jours, l’ambition du congrès suisse a, elle, sans doute permis de rasséréner, tant soit peu, les artisans d’une profession dont les effectifs fondent chaque année comme neige au soleil.
Etienne Arrivé/AGIR