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Un précieux coup de main pour les familles paysannes depuis 75 ans
Le regard à la fois étonné et timide, Laura entre dans la cuisine de la famille Fellay où nous l’attendons. « J’ai complètement oublié de te dire que nous recevions la visite d’une journaliste », lui explique Mauricette Fellay, un peu embarrassée. La mère de famille s’excuse platement d’avoir interrompu la sieste de la jeune fille âgée de 18 ans tout en l’invitant à s’asseoir à la table.
Arrivée il y a quelques jours à Lourtier (VS), Laura s’est très vite acclimatée à la vie de la ferme. Il faut dire que l’adolescente participe pour la seconde fois à un stage organisé par l’association Agriviva, qui célèbre son 75e anniversaire cette année. L’été dernier, elle avait déposé ses valises dans un chalet d’alpage valaisan, sans électricité. « Pour le coup, j’étais déconnectée de tout, mais j’en garde un très bon souvenir », confie-t-elle.
La Lucernoise a décidé de réitérer l’expérience dans un environnement quelque peu différent, puisqu’elle souhaitait découvrir le fonctionnement d’une exploitation agricole biologique. Issue d’une famille d’agriculteurs, elle raconte que ses parents produisent essentiellement des céréales destinées à la grande distribution. « En février, j’avais deux semaines de congé. C’était l’occasion de perfectionner mon français », poursuit celle qui travaille comme apprentie dans une garderie à Lucerne.
Des jeunes de tous horizons
Chaque matin, l’adolescente enfile sa salopette et ses bottes pour aller nourrir les 250 moutons de la famille Fellay, ainsi que les vaches d’Hérens, les poules et les ânes. « L’avantage avec Laura, c’est qu’il n’y a rien besoin de lui expliquer. Elle connaît déjà notre métier », observe Mauricette Fellay, qui produit différents fromages au lait de brebis destinés à la vente directe. « À plusieurs reprises, je lui ai dit qu’elle avait le droit à un jour de congé, mais elle ne veut rien entendre, ajoute l’agricultrice. Bon, il faut dire qu’il n’y a pas grand-chose à faire dans le village par ce froid. »
La famille, qui a repris l’exploitation d’un oncle en 2007, accueille une dizaine de jeunes chaque année. « Ils viennent avec leur propre parcours de vie et nous les acceptons tels qu’ils sont », soutient la mère de quatre enfants. Si la plupart d’entre eux séjournent chez les Fellay pour une durée de deux semaines, certains restent plus longtemps et apportent une « aide énorme » sur l’exploitation agricole. « Il y a une majorité de Suisse-allemands, mais nous avons aussi hébergé des jeunes de France, des Pays-Bas et d’Italie. À chaque fois, c’est une découverte et un enrichissement pour l’ensemble de la famille. »
Augmentation des volontaires malgré le coronavirus
Initialement connue sous le nom de Landdienst, l’association Agriviva souhaite créer des ponts entre ville et campagne grâce aux stages à la ferme. En 2020, l’association a enregistré 1363 inscriptions au total, soit une légère diminution par rapport aux années précédentes. « À cause de la situation sanitaire liée au Covid-19, nous constatons une baisse du nombre d’inscriptions dans les écoles, mais aussi chez les jeunes de l’étranger, indique Andrea Bory, présidente de l’association. Toutefois, nous avons compensé ce manque grâce aux jeunes volontaires suisses. » Selon les statistiques de l’association, 1071 jeunes ont participé à un stage à la ferme de leur plein gré, soit une progression de 14,5% par rapport à 2019. « Nous sommes persuadés que les échanges entre les familles d’agriculteurs et les jeunes consommateurs de demain sensibilisés aux enjeux du développement durable favorisent une meilleure compréhension du monde agricole », poursuit la présidente qui souhaiterait davantage de collaboration avec les différents départements romands de l’instruction publique à l’avenir.
Pour l’année 2020, 92 jeunes ont participé au programme Agriviva sur l’ensemble du canton du Valais. « Nous souhaiterions augmenter le nombre de stages grâce à l’engagement de nouvelles familles autant du côté francophone que germanophone », explique Andrea Bory.
Selon le Service de l’agriculture valaisan, le Canton paie un forfait annuel de 4800 francs, puis un forfait de 90 francs par placement. Ces montants sont pris sur le budget de l’École d’agriculture du Valais. « Toute demande qui permet de découvrir les réalités du monde agricole est positive », observe Guy Bianco, directeur de l’institution valaisanne. Soucieux de contribuer à un meilleur dialogue avec les métiers de la terre et de la nature, le Service de l’agriculture avait lancé l’idée de mettre en place des journées de formation destinées aux élèves du cycle d’orientation pour découvrir les différents secteurs de l’agriculture valaisanne. Pandémie oblige, cette réflexion a été repoussée. « On verra comment les choses évoluent au printemps, mais nous aimerions planifier ces journées en partenariat avec les organisations professionnelles du Valais. »
*Prénom d’emprunt
Texte rédigé par Valérie Beauverd de l’Agence d’information agricole romande AGIR