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Une étude inédite sur les aliments fermentés
Que sont les aliments fermentés?
Ce sont des aliments qui résultent d’une croissance microbienne souhaitée et des conversions enzymatiques de composants alimentaires. Il faut distinguer les aliments qui présentent des microorganismes vivants au moment de leur consommation (le yaourt, la plupart des fromages, les légumes fermentés non chauffés, le kéfir, le miso, les boissons fermentées à base de céréales ainsi que certaines bières), de ceux qui n’en présentent pas (le pain, les légumes fermentés traités thermiquement ou pasteurisés, sauce soja, vinaigre et certaines kombuchas).
Est-ce important de mesurer la fréquence de consommation des aliments fermentés et d’en faire une cartographie européenne?
Oui, tout à fait. Ce type d’aliments est largement consommé en Europe et notre étude permettra de mieux évaluer impact de sa consommation sur la santé. On aimerait avoir une meilleure compréhension des tendances actuelles selon les pays. Actuellement, les outils utilisés pour évaluer les régimes alimentaires ne sont pas conçus spécifiquement pour relever la consommation d'aliments fermentés. C’est pourquoi des chercheuses et chercheurs d'Agroscope se sont associés à des scientifiques européens de 31 autres pays pour relever ce défi dans le cadre du programme PIMENTO (Promoting Innovation of FerMENTed fOods COST Action- CA20128).
Que changera cette étude dans nos vies en Suisse?
Comprendre quels aliments fermentés sont les plus consommés en Suisses nous permettrait de mieux évaluer leur contribution au profil nutritionnel des Suisses. On pourrait également utiliser ces données pour formuler des recommandations quant aux quantités à consommer. Enfin, c’est aussi une base d’information importante pour mieux comprendre les habitudes alimentaires des Suisses. On sait que les habitudes alimentaires en Suisse varient selon les régions linguistiques. On est curieux de voir si cette tendance est la même pour les aliments fermentés.
En quoi l’étude est-elle innovante?
Généralement, lorsqu’on étudie les aliments fermentés, on se focalise sur un groupe particulier (produits laitiers par exemple). Mesurer la quantité et la fréquence de consommation de plusieurs groupes d’aliments fermentés et à l’échelle européenne est une première. C’est une approche innovante, mais qui reste difficile.
Pourquoi?
Du fait de la zone géographique couverte et de la grande variété d’aliments prise en compte. Par exemple, les microorganismes participants à la fermentation d’un même aliment peuvent varier d’un pays à l’autre. On obtient alors une large base de données qu’il faut pouvoir analyser et interpréter.
Pour qualifier les aliments fermentés, on parle souvent de «super aliments»…
En tant que diététicienne, je n’utiliserais pas le terme de «super aliment» car ce n’est pas très clair comme terminologie, c’est un concept un peu trop simpliste. Néanmoins, le terme est parfois utilisé du fait des microorganismes vivants que ces aliments contiennent, de leur profil nutritionnel unique et des effets bénéfiques sur la santé qui leur sont associés. La fermentation peut également modifier les propriétés gustatives et c’est bien sûr un effet recherché en cuisine.
Ces effets bénéfiques quels sont-ils?
Les exemples clairs d’effets bénéfiques restent limités car ils restent très compliqués à prouver scientifiquement. La base de preuves est encore souvent insuffisante dans ce domaine. Une allégation de santé confirmée pour les aliments fermentés concerne par exemple le yaourt dans le contexte de la digestion du lactose. Également, selon les micro-organismes utilisés et la matrice alimentaire qui est fermentée, la fermentation peut améliorer la teneur en vitamines du produit. De plus en plus de chercheurs se penchent sur les interactions entre produits fermentés et flore intestinale (via les micro-organismes eux-mêmes, ou les molécules qu’ils produisent), et les effets sur l’intégrité de la barrière intestinale et le renforcement du système immunitaire.
Le programme PIMENTO évaluera-il ces effets bénéfiques sur la santé?
Oui, il s’agit d’un des objectifs. Les scientifiques sont en train d’analyser la littérature existante de manière systématique afin d’y apporter un nouvel éclairage et d'identifier les lacunes au niveau de la recherche.
Pourquoi s’intéresse-t-on aujourd’hui à ces aliments?
Le marché des aliments fermentés a évolué ces dernières années. D’autant plus dans une société qui veut trouver des alternatives à la consommation de viande. La fermentation d’aliments végétaux en est une, en amenant également une amélioration de la qualité nutritionnelle. J’y vois aussi une autre piste : celle de la lutte contre le gaspillage alimentaire du fait que les aliments fermentés se conservent davantage.
Quel rôle joue Agroscope dans cette étude?
Agroscope est responsable de la conduite de l’étude en Suisse. Une partie de ce travail est la validation du questionnaire sur la consommation des aliments fermentés. Il s’agissait de s’assurer qu’il était fiable. Nous allons aussi analyser les données suisses de consommation avec des chercheuses et chercheurs de la Haute École Spécialisée de Suisse occidentale à Genève, de l'Université de Zurich, de la Haute École spécialisée bernoise, d'Unisanté, de la Haute École spécialisée à distance de Suisse (HESD).
L’équipe responsable de l’étude à Agroscope est le groupe de recherche Biologie nutritionnelle et fonctionnelle. Nous faisons partie du groupe MSL (Système microbiens des denrées alimentaires) spécialisé dans l’utilisation des microorganismes pour obtenir des denrées alimentaires de qualité, sûres et saines. Ce groupe travaille depuis des années sur ce type d’aliments, d’où sa participation à l’étude.
Kalina Angelova/AGIR
Infos supplémentaires:
A quelles fréquence consommez-vous des aliments fermentés?
PIMENTO – COST ACTION CA20128 – Promoting Innovation of ferMENTed fOods