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Des pâtes 100% produites à la ferme
Une fois par semaine, Danielle Rouiller et Valérie Thiébaut se retrouvent à Chaumont (NE), à mi-chemin de leurs exploitations, pour s’échanger des pâtes… et en vendre chacune de leur côté. Ces deux agricultrices, l’une basée à Cernier, l’autre à Lignières, à 1'000 mètres d’altitude, se sont associées en 2016, avec une même idée en tête: valoriser la production de leurs céréales. Il en est né "Aux mille pâtes", un nom clin d’œil à la grande diversité de pâtes artisanales qu’elles fabriquent dans leurs ateliers respectifs, et à leur souci de contribuer au bien-être de la biodiversité.
Des céréales à l’ancienne
Ces deux passionnées produisent leurs pâtes à base de céréales bio rustiques. Un choix qui s’inscrit dans leur philosophie : "Les variétés anciennes sont généralement résistantes et nécessitent peu de traitement", explique Danielle Rouiller. "Il est par ailleurs important de les préserver au niveau du patrimoine génétique qu’elles représentent. Elles sont aussi très intéressantes pour la faune, au niveau habitat et nourricier."
Au Domaine de l’Aurore, qu’elle exploite avec son neveu Antoine, Danielle Rouiller cultive du blé dur, de l'amidonnier ainsi que de l’engrain. De son côté, Valérie Thiébaut, qui gère "Le Cerisier" en communauté d’exploitation avec Daniel Juan, produit du seigle et de l'épeautre, "des céréales qui s’épanouissent en altitude", souligne cette dernière. Les deux agricultrices utilisent également le blé dur bio et le sarrasin d’agriculteurs de la région pour la fabrication de leurs pâtes.
11 sortes de pâtes différentes
L’aventure commune des deux femmes a débuté à Cernier. C’est là qu’elles ont confectionné leurs premières pâtes, testé différentes formes, se sont battues contre les caprices de la technique avec les différents embouts de leur première machine, découvert l’importance d’avoir une farine aussi fine que possible. "A la base, la recette est simple: il faut 1 litre d’eau pour 4 kilos de farine, explique Valérie Thiébaut. Mais il nous aura fallu un certain temps pour réussir à trouver, avec le moulin de la région qui mout nos céréales, le degré de finesse idéale pour la confection de nos pâtes."
Aujourd’hui, Danielle Rouiller et Valérie Thiébaut ont chacune leur atelier, sur leur exploitation. Et elles produisent 11 sortes de pâtes, dont elles se sont partagé la fabrication. Six variétés pour l’une, cinq pour l’autre. Avec des formes et des farines variées: des penne d’épeautre, des spiralines de seigle ou encore des cornettis de blé amidonnier. "Nous n’utilisons aucun conservateur, ni colorant… Les couleurs différentes de nos pâtes sont dues aux farines utilisées", souligne Danielle Rouiller.
Jusqu’à 10 tonnes par an
C’est toujours avec la même passion que les deux agricultrices se mettent à la production de leurs pâtes, deux fois par semaine. "On continue toujours à apprendre. La température ambiante, le taux d'humidité, l'altitude, par exemple, jouent un rôle dans la préparation. Il faut également un peu moins d’eau pour l’épeautre. Quand la préparation n’est pas adéquate, les embouts peuvent se boucher." Et après la fabrication, il y a encore le séchage qui est tout un art.
Les associées ont commencé par fabriquer quelques centaines de kilos, par an, puis une tonne. Aujourd’hui, c’est un peu plus de 6 tonnes de pâtes qui sortent annuellement des ateliers de Lignières et Cernier. Durant la période du Covid, ce chiffre a même atteint le cap des 10 tonnes. Puis il y a eu une forte chute avec le retour à la vie normale, lorsque les gens ont repris le chemin des grandes surfaces. « Nous vendons nos produits en circuit court, à Neuchâtel principalement, mais aussi ailleurs en Suisse romande, notamment dans les magasins bio et les marchés à la ferme. Malheureusement après l’engouement que ces derniers ont connu durant les périodes de confinement, beaucoup ont fermé », déplore Valérie Thiébaut.
La production « Aux mille pâtes » repart toutefois à la hausse. De quoi réjouir les deux agricultrices. « C’est impressionnant de pouvoir nourrir autant de consommateurs, de manière directe, grâce à nos pâtes. C’est très valorisant ! se réjouit Danielle Rouiller. Pour moi, c’est ça l’agriculture, se nourrir avec ce qu’on produit, et nourrir les autres. »
Pascale Bieri/AGIR